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Vous trouverez dans ce blog un peu de vérité, beaucoup de passions et quelques coups de gueule........ Bonne route, bonne lecture merci de votre visite...
De moi. retraité, passionné, curieux, gourmet, vivant au vert en Aquitaine
Signe particulier : « Ayant attrapé tout jeune la maladie bleue et pas guéri à ce jour !
Dans ce blog vous trouverez un peu de vérité, beaucoup de passion, et quelques coups de gueule
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Quelques souvenirs d’expressions Française(disparues de nos jours)
Souvent remaniée, la langue française regorge de trésors insoupçonnés. Employées par nos aïeux, quelques citations méritent respect et intérêt. Grâce à un vocabulaire imagé, les portes du savoir s’ouvrent. Je vous propose de découvrir l’origine et la signification de ces expressions.
Aujourd'hui voyons ce que signifie............
" Goujat "
(D’après « Le Courrier de Vaugelas », paru en 1879)
Qualifiant à l’origine un valet chargé de servir les soldats, et notamment de porter leurs armes, le mot goujat serait issu du vocable gascon goujon utilisé pour désigner un garçon
Dans les armées d’autrefois, le mot goujat désignait un valet qui servait les soldats. Chez les Gascons, qui imitèrent l’infanterie espagnole, il aurait désigné le jeune homme chargé de la conduite et de l’entretien du bidet qui portait l’arquebuse à croc. Plus lard, quand les armes s’allégèrent et que le cheval de peloton qui les avait portées jusque-là fut supprimé, le goujat les porta lui-même sur son dos.
Depuis Louis XII, il se chargeait, moyennant une petite rétribution, du bagage des soldats d’extraction noble qui se faisaient appeler « capitaines » quoiqu’ils fussent sans aucun grade réel. Un goujat portait la caisse du tambour-major. Vers le milieu du XVIIIe siècle, le goujat était considéré comme palefrenier des chevaux de bât, et Bombelles (1746) n’emploie goujat que dans ce sens.
Ainsi, d’après ce qui précède, le goujat ne devait pas être tenu en bien haute estime, fait confirmé du reste par la citation suivante, empruntée à un édit du roi Henri III : « Que les goujats, en cas qu’il s’en trouve plus d’un par trois soldats, seront chastiés du fouet ; sera tenu le fourrier avoir par escript le nom desdits goujats pour les faire chasser, sous peine du fouet pour la première fois, et, s’ils s’y retournent, d’estre pendus et estranglés sans aucune forme ne figure de procès. »
Aussi, n’est-il pas étonnant que goujat, resté dans la langue après que l’homme qu’il désigne a cessé d’exister dans l’armée, y soit toujours un terme de mépris, et s’applique à un personnage sale et grossier, plus encore au moral qu’au physique.
Maintenant, d’où goujat a-t-il été tiré ? Le mot goujat, qui répond au mot grec signifiant porte-bagage, au ferentarius des Romains, au pack-knecht, domestique du paquet, des Allemands, se rendait en italien par bagaglione, galuppo, et, en espagnol, par galopin, criado, ce qui signifie, en d’autres termes, qu’il n’est originairement ni grec, ni latin, ni allemand, ni italien, ni espagnol. Ce mot vient, selon Borel, du gascon ou du languedocien goujon, signifiant garçon, de même que, dans le midi de la France, gouge signifie encore fille ou servante.
Voici d’ailleurs une autre preuve que le terme goujat vient bien d’un nom masculin ayant pour féminin gouge ; c’est que, parmi les maçons du Limousin, on désigne encore par ce terme un apprenti dont la fonction est de porter des matériaux où les ouvriers peuvent en avoir besoin.
Indépendamment de goujon, le mot goujat a encore les formes gouget, goyart, goujart (analogue à soudard). Ces formes sont devenues des noms propres, et voilà pourquoi on les rencontre en cette qualité dans l’Almanach Bottin (1ère partie), qui indique, pour Paris, l’adresse de 3 Gougeard, de 26 Goujon, de 13 Goyard et de 10 Goujet. C’est l’équivalent de Garçon, répété 3 fois dans le même ouvrage.
"Tournage du premier film de l’histoire par Louis Le Prince"
(D’après « La direction de spectateurs : création
et réception au cinéma » paru en 2015
et « Ciné-Comœdia » du 30 décembre 1930
Si la date mémorable du 28 décembre 1895 est celle de la première séance publique et payante du cinématographe organisée par les frères Lumière, on peut considérer que le premier « film » fut obtenu, grâce au procédé de chronophotographie, sept ans plus tôt par l’inventeur Louis Aimé Augustin Le Prince
Que célèbre-t-on quand on inscrit symboliquement, sur le registre d’état civil du cinéma, la date de naissance du 28 décembre 1895, désormais ancrée dans la mémoire collective ?
Le « premier » essai d’images animées ? Non. Du théâtre d’ombres oriental aux lanternes magiques, l’histoire du mouvement des images remonte à plusieurs siècles et s’est accélérée, invention après invention, au cours du XIXe siècle, à partir du Phénakistiscope de Joseph Plateau (1832), du Zootrope de Homer (1834), du Praxinoscope d’Émile Reynaud (1877) jusqu’au Fusil chronophotographique d’Étienne-Jules Marey (1882) et au Kinétoscope d’Edison et Dickson en 1891.
La « première » projection publique d’images animées ? Non. Dès 1892, Émile Reynaud améliore son Praxinoscope et, grâce à son « Théâtre optique », propose au public du musée Grévin les premières projections de dessins animés. Et dès le 1er novembre 1895, les frères Skladanowsky organisent au Wintergarten de Berlin, grâce à un appareil de leur invention, le Bioscope, la première projection publique et payante en Europe de films chronophotographiques.
L’invention d’une machine : le cinématographe ? Non. Dès le 13 février 1895, Auguste et Louis Lumière déposent le brevet pour un appareil « servant à l’obtention et à la vision des épreuves chronophotographiques » qui sera baptisé « cinématographe » dans un certificat d’addition du 30 mars. Tout se joue en moins d’un an, le cinématographe devance sur le fil d’autres inventions analogues, mais souvent moins performantes, réalisées, en cette même année 1895, par des scientifiques et inventeurs français et étrangers (l’Anglais William Paul qui améliore le Kinétographe ; les Américains Lauste et Latham qui effectuent des projections grâce à leur Pantoptikon ; les Américains Jenkins et Armat qui projettent les films du « Kinétoscope » avec leur « Phantascope » à la foire d’Atlanta ; l’Allemand Max Skladanowsky qui invente le « Bioscope » ; le français Raoul Grimoin-Sanson qui met au point le « Phototachygraphe »).
Le tournage du premier film ? Non. Car le 14 octobre 1888, Louis Aimé Augustin Le Prince (presque en même temps que Marey) tourne deux très courts films (de quelques secondes !) sur papier sensible : une scène de jardin avec sa belle-mère (Une scène au jardin de Roundhay) et une vue de la circulation des tramways, des calèches et des piétons sur le pont de Leeds (Leeds Bridge).
Dans le Nouvel Art cinématographique, nous trouvons des renseignements sur Louis Le Prince, né à Metz le 28 août 1841, chimiste, ingénieur et inventeur, qui étudia la peinture à Paris puis la chimie à l’université de Leipzig, avant de partir en 1868 vivre à Leeds, dans le Yorkshire de l’Ouest, Angleterre, où il fonda une école d’art appliqué et où il acquit une renommée dans l’art de fixer des photographies en couleur sur le métal et les poteries.
Durant son séjour aux États-Unis (de 1881 à 1886), Louis Le Prince poursuivit ses expériences sur la production de « photographies mobiles » et fabriqua, en reprenant une technique d’Étienne-Jules Marey et de l’Anglais Eadweard Muybridge, un appareil muni de seize objectifs qui permettait de décomposer les mouvements des êtres vivants trop rapides pour être analysés par le regard. De retour en Angleterre, il mit au point un nouvel appareil destiné à la prise de ces mêmes vues animées, mais muni cette fois d’un seul objectif et qu’il fit breveté le 11 janvier 1888.
C’est à l’aide d’un appareil de ce type, à une lentille, qu’il photographia des tableaux animés à la vitesse de 12 par seconde dans le jardin de Joseph Whitley, son beau-frère, à Roundhay, et réussit une série de 20 images (à la seconde) d’une fenêtre de Hick Brothers, au coin sudest du Pont de Leeds. Le court métrage muet d’une durée de 2 secondes connu sous le nom d’Une scène au jardin de Roundhay est en réalité une reproduction, effectuée en 1930 sur film 35 mm, des photographies qu’avait obtenues le 14 octobre 1888 Le Prince par son procédé de chronophotographie, et constitue, du point de vue technique, le premier film de l’histoire.
Dans le même temps, Louis Le Prince réalisa un nouveau projecteur pour exhiber ses tableaux sur un écran, et pour cela eut recours à la lumière électrique. C’est à ce moment que l’écrivain Ernest Kilburn Scott rencontra l’inventeur et vit son appareil. L’électricité était produite par une machine à vapeur Robey et une « dynamo Crompton », fournie par Wilson Hartnell. L’appareil était dans la cour de William Mason et fils, au 150 Woodhouse Lane, et les câbles passaient au-dessus des constructions intermédiaires, au n° 160.
Tôt, en 1889, Louis Le Prince commença à faire usage du film celluloïde transparent, qui était devenu utilisable. Ces films sensibles, coupés à la largeur exacte de sa machine par Frédéric Mason, résolurent leur problème le plus difficile.
En août 1890, Louis Le Prince se rendit en France pour prendre des brevets et pour d’autres affaires. Il voyagea avec M. et Mme Richard Wilson, de Leeds, et les quitta à Bourges pour y visiter son frère, un architecte de Dijon. Il fut vu la dernière fois entrant dans un train pour Paris, le 16 septembre 1890. Depuis ce moment il disparut complètement, et bien que de minutieuses enquêtes aient été faites par des détectives français, anglais, et par des membres ou des amis de la famille, on ne retrouva jamais aucune trace de lui. La disparition complète des bagages et des papiers d’affaires aida à suggérer la trahison, et sa veuve pensa toujours qu’il avait été enlevé par des personnes qui désiraient contrôler la situation des tableaux animés.
Cet événement eut pour résultat que, quoiqu’il eût les « brevets fondamentaux du maître », on ne put s’en servir pendant la période statutaire de sept ans, lorsque de par la loi sa mort fut présumée et ses affaires administrées. Pendant ce temps beaucoup d’autres étaient entrés dans le champ de la cinématographie.
Pendant que Le Prince était en France, il écrivit des lettres joyeuses et optimistes, et il avait arrangé d’aller à New-York à son retour afin d’exhiber des tableaux et l’appareil dans le « Jumel Mansion », que son épouse avait à nouveau décoré.
Frédéric Mason décrit ainsi Le Prince : « En beaucoup de choses un homme très extraordinaire, en dehors de son génie inventif qui était grand incontestablement. Sa taille était de 6 pieds 3 ou 4 pouces, sur ses chaussettes, et il était bâti en proportion, se mouvant lentement, très doux, réfléchi et quoique inventeur, d’une extrême placidité que rien ne pouvait émouvoir, la véritable antithèse du petit Jacques Bonhomme ; aussi très juste et insistant à payer ses comptes chaque semaine. »
Souvent remaniée, la langue française regorge de trésors insoupçonnés. Employées par nos aïeux, quelques citations méritent respect et intérêt. Grâce à un vocabulaire imagé, les portes du savoir s’ouvrent. Je vous propose de découvrir l’origine et la signification de ces expressions.
Tel qui rit vendredi dimanche pleurera......
Il ne faut pas compter sur un bonheur constant. Ainsi se passe la vie : le bon et le mauvais se succèdent continuellement, la tristesse succède à la joie, le dégoût au plaisir, le malheur au bonheur.
Certaines gens croient au préjugé qui fait regarder le vendredi comme un jour néfaste. Celte opinion ridicule est encore de mode en France et la raison n’a pas pu, jusqu’à présent, en faire justice. Les Anciens donnaient une durée moins longue au plaisir qu’à la peine.
Personne n’ignore que les Romains avaient leurs jours fastes et néfastes, mais ils ne pouvaient regarder comme de mauvais augure le vendredi, jour consacré à Vénus. C’est une idée religieuse des peuples-modernes encore existante qui croient ne devoir rien entreprendre ce jour-là de crainte de malheur.
On peut citer à ce sujet un vers du poète grec Hésiode qu’Erasme a traduit de cette façon : Ipsa dies quandoque parens, quandoque noverca est, ce qui signifie : Un jour est pour nous une bonne mère et dans un autre jour nous trouvons une marâtre. Cette expression s’entend mieux en grec et en latin, parce que, dans ces deux langues, le mot jour est du féminin.
On trouve dans un très vieux fabliau d’Estula ces quatre vers :
En petit d’eure Diex labeure
Tel rit au main qui le soir pleure ;
Et tels est au soir courouciez,
Qui au main et joians et liez.
En peu d’heures Dieu travaille :
Tel rit au matin qui le soir pleure ;
Et tel est courroucé le soir,
Qui au matin est joyeux et gai.
Ce proverbe se trouve encore répété dans l’ouvrage de Guillaume de Michault, intitulé le Temps pasteur, ainsi que dans la traduction des distiques par Adam Duseuil (XIIIe siècle). Au XVIIe siècle, on disait : Tel qui rit le vendredy pleure le dimanche. Dans la comédie des Plaideurs de Racine, Petit-Jean débute son monologue par ces deux vers :
Ma foi, sur l’avenir, bien fou qui se fiera :
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.
Quelques souvenirs d’expressions Française(disparues de nos jours)
Souvent remaniée, la langue française regorge de trésors insoupçonnés. Employées par nos aïeux, quelques citations méritent respect et intérêt. Grâce à un vocabulaire imagé, les portes du savoir s’ouvrent. Je vous propose de découvrir l’origine et la signification de ces expressions.
Aujourd'hui voyons ce que signifie............
Rompre l’anguille au genou
(Entreprendre quelque chose d’infaisable)
Littéralement, cette expression qui, dans l’origine, portait andouille au lieu d’anguille, signifie rompre une anguille avec le genou ; la préposition à y est employée pour les mots à l’aide de.
Maintenant, quel sens figuré peut-elle bien avoir ? D’après Ménage, le proverbe se dirige contre ceux qui n’emploient pas les moyens propres à faire réussir une entreprise ; selon Quitard, rompre l’anguille au genou, c’est tenter l’impossible, attendu qu’une anguille, qui glisse toujours des mains, ne peut se rompre sur le genou comme le fait un bâton.
En faveur du premier sens, on trouve le dictionnaire de Furetière, celui de Trévoux (1771), et enfin celui de Littré ; mais aucun autre exemple ne vient l’appuyer. En faveur du second, on trouve plusieurs citations :
« Rompre l’anguille au genou : tenter chose impossible » (Louis-Nicolas Bescherelle, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française, 1845).
« Rompre l’anguille au genouil : entreprendre un affaire fascheux et qui ne peut réussir » (Antoine Oudin, Curiositez françoises, pour servir de complément aux dictionnaires, 1640).
« Il ne faut pas cuider du beau premier coup vouloir changer cette nature, et rompre les andouilles avec les genoux, pour la raison que c’est une chose de trop grand’peine » (Noël du Fail, Propos rustiques, 1547).
« Laissez poursuivre le sieur Alphonse, sans le battre des Arrêts et Conciles ; vous rompriez autrement du premier coup l’anguille au genouil » (Nicolas de Cholières, Les Après-disnées, 1587).
De plus, en cherchant comment les langues sœurs de la nôtre exprimaient le proverbe en question, nous pouvons observer que l’espagnol le fait par soldar el azogue (souder le vif-argent) et l’italien par pigliar il vento con le reti (prendre le vent au filet). Ce qui confirme la signification de l’expression française.
(D’après « Le Courrier de Vaugelas », paru en 1875)
Ci-contre devise comment le bon veneur doit chasser et prendre le lièvre à force.
Enluminure extraite du Livre de chasse composé entre 1387 et 1389 par Gaston Fébus
Une étymologie faisait autrefois venir le mot venette des Vénètes, peuple d’Italie qui, obligé de fuir devant le conquérant Attila, fonda Venise ; l’autre, qui est de Littré, le dérive de vene, vesne, vieux substantif français tombé en désuétude, et qui, pour cette raison, brave mieux l’honnêteté que son synonyme dans la langue moderne.
Quoi qu’on ait pu dire en faveur de la première, elle n’a aucun fondement ; car le mot venette ne se trouvant ni dans Furetière (1727), ni dans Trévoux (1770), ni dans le Dictionnaire de l’Académie de 1835, il n’est pas à croire qu’un événement arrivé sur l’Adriatique au Ve siècle ait pu donner lieu, chez nous, à une expression qui ne date guère que du nôtre.
La seconde est sans doute plus sérieuse ; mais ce n’est pas encore la vraie. En effet, si venette est le diminutif de vene, il doit se construire avec les mêmes verbes que le synonyme de ce dernier. Or, on n’emploie pas et l’on n’a jamais employé donner et avoiravec le synonyme en question : ce synonyme n’a jamais été que le complément du verbe faire ou d’un verbe de sens analogue. Par conséquent, venette ne peut non plus venir de vene.
Voici comment, semble-t-il, a été formé le mot dont il s’agit : au commencement du XVIIIesiècle, nous avions le verbe vener (latin venari) dans le sens de chasser ; ce verbe s’appliquait aux animaux de boucherie, veaux, bœufs, etc., que l’on faisait courir, paraît-il, pour qu’ils eussent la chair plus tendre : « À Rome et en Angleterre, on a coutume de vener les bœufs » (Dictionnaire de Furetière)
Ce même verbe s’employait en parlant des personnes. On disait de quelqu’un qu’il avait été bien vené, pour signifier qu’on l’avait bien fait courir, qu’on lui avait bien donné de l’exercice. Or, c’est de vener qu’on a fait venette, comme de amuser, seriner, deviner, etc., on a fait amusette, serinette, devinette. De même qu’aujourd’hui, on disait alors donner la chasse à quelqu’un, ainsi que le montrent ces exemples : « L’aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin » (Fables de La Fontaine, livre II, fable 8) ; « M. de Grignan donnera la chasse à ces démons » (Lettres de Madame de Sévigné) ; « Il donne la chasse aux vices » (Discours sur l’union de Jésus-Christ avec son épouse. Comment Jésus-Christ est-il l’époux des âmes dans l’oraison de Bossuet).
Une fois qu’on eut créé venette, on dit, par analogie, donner la venette à quelqu’un, pour signifier lui donner la chasse. Mais l’animal qu’on vène a évidemment peur, puisqu’il fuit, et la personne que l’on poursuit de la même manière a peur également : on a appliqué le nom de la cause à l’effet (ce qui se pratique souvent pour étendre le sens des mots), et venettes’est employé pour frayeur, peur, alarme.
"Première compétition automobile de l'histoire (épreuve finale)
(D’après « Le Petit Journal : supplément du dimanche », paru en 1894)
Première compétition automobile de l’histoire, l’épreuve Paris-Rouen des « voitures sans chevaux », organisée par Pierre Giffard, journaliste pour le quotidien Le Petit Journal, se déroula du 18 au 22 juillet 1894. Après la présentation, le premier jour, des véhicules engagés (au nombre de 26, cependant qu’il y avait eu 102 inscriptions), eut lieu sur les trois jours suivants des épreuves éliminatoires s’effectuant sur 5 parcours de 50 km, l’épreuve finale ayant lieu le 22 juillet.
Depuis longtemps, explique Le Petit Journal, on s’occupait de remplacer, pour la traction, les chevaux qui coûtent cher à acheter et à nourrir, qui s’enrhument, glissent et s’emballent, dont les forces ont une limite ; déjà l’on avait trouvé les locomotives, les machines routières et aussi les tramways à traction mécanique. Mais même sur ce point, c’est à peine alors si dans Paris circulent de rares tramways électriques, tandis qu’on voit depuis plusieurs années déjà, dans la jolie ville de Berne, de charmants omnibus à air comprimé, qui conduisent sans secousse, sans bruit, sans accident de la gare à la fosse où s’ébattent des ours.
Chez nous, on prétendit longtemps les voitures à traction électrique absolument impossibles sous prétexte que les chevaux s’emballaient en voyant des voitures cheminer sans être traînées par des individus de leur espèce. Un humoriste proposa d’atteler alors aux nouveaux véhicules des chevaux empaillés pour ménager la susceptibilité des autres. Le remède n’était point plus ridicule que le prétendu mal.
En dépit de la crainte de froisser les chevaux, on continua les études ; mais les efforts étaient isolés, par conséquent infructueux, jusqu’au jour où Le Petit Journal eut l’idée de réunir tous les inventeurs, de leur fournir le moyen de se comparer entre eux afin que tous profitassent des résultats acquis par chacun.
Le succès fut immense. La condition imposée à la voiture était : être sans danger, facilement maniable pour les voyageurs, et ne pas coûter trop cher sur la route. Le prix de 5000 francs donné par le quotidien fut partagé entre MM. Panhard et Levassor d’une part, les fils de Peugeot frères de l’autre. D’autres récompenses de 2000, 1500, 1000, 500 francs, furent donné par M. Marinoni qui, en sa qualité de grand inventeur, s’intéressait généreusement aux nouvelles inventions.
Souvent remaniée, la langue française regorge de trésors insoupçonnés. Employées par nos aïeux, quelques citations méritent respect et intérêt. Grâce à un vocabulaire imagé, les portes du savoir s’ouvrent. Je vous propose aujourd'hui de découvrir l’origine et la signification de ces expressions.
Aujourd'hui voyons ce que signifie............
"Sabler" (dans le sens de boire d’un trait)
(D’après « Le Courrier de Vaugelas », paru en 1872)
Où l’on apprend que le verbe sabler utilisé dans le sens de boire d’un trait n’aurait aucun lien avec jeter le sable comme on l’admet pourtant, mais serait un dérivé du verbe siffler utilisé dans sens d’avaler
Le verbe sabler était d’usage au XVIIIe siècle. Ainsi Le Sage a dit dans Gil Blas : « Saisissant d’une seule main le verre, et de l’autre la bouteille, je sablai un bon coup de vin de Lucène » ; et Trévoux (1771) en cite comme exemple ce couplet :
Chers enfans de Bacchus, lé grand Grégoire est mort.
Une pinte de vin imprudemment sablée
A fini son illustre sort ;
Et sa cave est son mausolée.
Mais d’où vient sabler ? L’Académie, après avoir donné la signification de ce mot, ajoute qu’il a été employé « par allusion à la promptitude avec laquelle un fondeur doit opérer lorsqu’il jette en sable. » Or, dans l’Encyclopédie et dans la Technologie de Francœur décrivant les procédés employés pour couler le métal en sable, on ne rencontre aucun indice de cette précipitation à laquelle, selon l’Académie, sabler fait allusion
Il faut donc trouver une autre origine. Depuis longtemps, dans notre langue, sifflet, nom d’un petit instrument connu de tout le monde, désigne le gosier (ce qui a lien également, du reste, pour whistle en anglais, et pour chifla en espagnol). Cela étant, on a naturellement donné à siffler le sens d’avaler, se passer par le gosier, surtout en parlant des liquides, ce dont on trouve des exemples :
1° Dans le Dictionnaire comique de Leroux (1786) :
Un jour que nous fûmes un peu trop pressés de siffler.
(Recueil de pièces comiques)
Siffler le vin en abondance.
(Parnasse des Muses)
2° Dans ces vers d’une chanson du commencement du XVIIe siècle, cités par Alfred Delvau (Dictionnaire de la langue verte) :
Lorsque je tiens une lampe
Pleine de vin, le long de la journée,
Je siffle autant que trois.
Siffler vient de sibilare, employé dans la basse latinité (Du Cange l’atteste) sous la forme sibulare, lequel a fourni deux verbes à l’ancien français, sibler et subler (u ellipse, et ichangé en u), dont voici des exemples :
« Adonc commença ledit Jehan le houllier à sibler et crier si hault, que ledit suppliant les oyt. » (Lettres de rémission, année 1368)
« Le suppliant yssit de la taverne et oyt subler, et alors Chauveau subla aussi. » (Lettres de rémission, année 1459)
Or, si le verbe siffler s’est dit autrefois sibler et subler, il n’y a rien d’étonnant à ce que, dans le sens de boire, l’un de ces derniers ait été changé en sabler, surtout par les « honnêtes gens » qui voulaient bien de la chose, mais qui répugnaient au mot dont le vulgaire la désignait. Du reste, au point de vue philologique, c’est un i ou un u changé en a, fait que la permutation des voyelles ne rend point impossible.
Dans la chanson Roger Bontemps de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), on trouve les deux vers suivants : « Faute de vin d’élite, SABLER ceux du canton. » Étant donné sableravec le sens propre de boire, ces vers ne contiennent pas plus de métaphore que si l’auteur eût dit : « Faute de vin d’élite, SIFFLER ceux ceux du canton. » Seulement, le chansonnier, qui s’éleva jusqu’à l’ode, a instinctivement employé sabler, le terme comme il faut, et il a rejeté siffler, qui est le terme canaille.
Souvent remaniée, la langue française regorge de trésors insoupçonnés. Employées par nos aïeux, quelques citations méritent respect et intérêt. Grâce à un vocabulaire imagé, les portes du savoir s’ouvrent. Je vous propose de découvrir l’origine et la signification de ces expressions.
Aujourd'hui voyons ce que signifie............
Avoir une belle bague au doigt
C’est posséder une jolie propriété dont on peut se défaire avec avantage, ou bien c’est occuper une place qui rapporte un gros traitement sans pour cela exiger un grand travail
Au Moyen Age lorsqu’on voulait investir quelqu’un d’un bénéfice, on lui remettait un objet qui variait selon le rang des personnes ou la nature des choses. Parmi les différents symboles de l’investiture, celui qu’on employait le plus souvent était l’anneau qu’on remettait au nouveau propriétaire et sur lequel juraient les parties contractantes.
On trouve la trace de cet ancien usage dans une citation latine datant de 497 : Per annulum tradidimus, ce qui signifie : Nous avons livré par l’anneau. C’était ce qu’on appelait autrefois en France, l’investiture de l’anneau, pour mettre en possession les acquéreurs et les donataires, parce qu’un anneau sur lequel avaient juré les parties contractantes était remis au propriétaire comme un titre spécial possession de propriété.
On employait autrefois une autre locution proverbiale qui avait quelque rapport au même usage : Laisse l’anneau à la porte, ce qui voulait dire : Faire l’abandon de sa maison et de ses biens.
Comment se réveillait-on avant l'invention du réveil ?
WorlWorld Alarm Clock / Bob Bob via Flickr CC License by.
Voici la petite histoire des astuces utilisées pour tirer du lit les travailleurs avant la création de cet instrument de torture.
Pas facile de se réveiller le matin? Vous détestez, haïssez, conspuez l'outrageux appareil qui hurle bien trop tôt pour vous tirer du sommeil tous les jours? D'accord, le réveil n'est pas l'objet le plus agréable du monde... mais comment donc faisait-on pour se lever avant son invention?
Comment faisaient les dormeurs à l'horloge biologique mal réglée pour commencer leur journée de travail en même temps que les poules? Comment les esclaves et les servants se levaient-ils avant leurs maîtres, qu'ils avaient en charge de réveiller? Comment les sonneurs de cloches s'éveillaient-ils à l'aurore pour passer le relais aux villageois? Et comment arriver à l'heure à l'usine quand on était trop pauvre pour avoir son propre réveil?
Selon la légende, c'est Platon qui invente le tout premier réveil. 400 ans avant notre ère, le philosophe grec imagine une horloge hydraulique qui fait sonner des flûtes toutes les heures pour ne pas s'endormir lors de ses longues nuits de travail. L'embryon de réveil-matin décrit dans ses notes ne passe pourtant pas les portes de sa demeure. Personne d'autre que lui n'en profitera.
Pour le commun des mortels, c'est le coq qui, jusqu'à très récemment dans nos campagnes, était seul garant du réveil journalier. L'animal-réveil est fêté partout autour du monde comme le symbole du passage de l'ombre à la lumière. Il est présent dès l'antiquité grecque, qui y va de sa petite légende: Alectryon faisait le guet devant la chambre des amants Aphrodite et Arès, qu'il devait prévenir de l'arrivée du dieu du soleil, Hélios, un ami du mari trompé. Forcément, Alectryon s'assoupit, Hélios découvre les deux amants et crie à l'adultère. Fou de rage, Arès punit son guetteur en le changeant en coq, condamné à annoncer l'arriver du jour tous les matins. Le premier réveil-matin est né!
De tous temps, dans les campagnes, le lever s'est donc fait au chant du coq et des animaux qui vivent dans les maisons. Réveillés naturellement par la lumière du jour, les vaches et cochons bougent et crient dans leurs enclos, empêchant toute la maisonnée de faire la grasse matinée.
Qui pour guetter le guetteur?
Dans les villes et les cités, c'est un guetteur qui se charge de réveiller la communauté. Il annonce les heures des prières au clairon, puis à la cloche à partir du Ve siècle. Jusqu'au Xe siècle environ, la vie sociale se cale en effet sur le temps religieux, l'heure ne régit en rien le travail. Mais petit à petit, le guetteur mélange temps laïc et sacré pour sonner les grands rendez-vous de la journée: réveil et prière du matin, ouverture des portes de la ville, jours de marché et extinction des feux le soir, pour éviter les incendies qui pouvaient ravager des villes entières. Tous les 4 kilomètres, des tours ou des petits clochers (détruits depuis) relaient le son des cloches. Dans un monde beaucoup plus silencieux qu'aujourd'hui, sans vrombissement de moteur, sonnerie de téléphones ni musique sur les oreilles, le son des cloches résonne assez fort pour réveiller tout le monde.
Une bougie graduée (via Wikimédia Commons).
Mais comment le guetteur réussissait-il à se lever à l'aube pour réveiller ses congénères? C'est le grand problème de Frère Jacques qui n'arrive pas à se lever pour sonner les Matines, la première prière du matin... Depuis l'Antiquité, les hommes se relaient pour veiller sur la cité lors de tours de garde, tout simplement. Et lorsque l'horlogerie mécanique se répand dans les villes à partir de la fin du XIIIe siècle, les guetteurs sont les premiers à être équipés d'horloges à sonnerie. Ils peuvent enfin s'octroyer de vraies nuits de sommeil.
Mais le réveil, objet de luxe, est encore loin d'être populaire. Seules les classes les plus hautes de la société peuvent y accéder. Au XVIIIe siècle, une technique moins onéreuse est inventée: la bougie graduée à clochette. Les graduations indiquent combien de temps met la bougie pour se consumer.
On plante un clou à l'endroit où la bougie indique une, deux, trois heures, selon ses besoins. Quand la cire fond et atteint la graduation voulue, le clou tombe et tire sur une chaînette qui fait sonner une petite cloche. Ce réveil sera plus répandu mais encore loin d'être dans toutes les chambres à coucher, la bougie restant un produit assez onéreux.
Réveil en douceur
Une knocker-upper à Londres en 1931 (Recuerdos de Pandora via Flickr CC License by).
Ce n'est qu'après 1880 que le réveil personnel se propage réellement grâce à la fabrication en masse des «réveils de cuisine», une horloge surplombée de deux cloches et munie d'une poignée pour le déplacer de la cuisine en journée à la table de chevet la nuit. Les classes les plus basses de la population n'y ont toujours pas accès.
Dans les années 1920, en Irlande et au Royaume-Uni, les habitants des villes sortent des bras de Morphée grâce aux toc-toc des knocker-upper,des veilleurs payés pour les réveiller sur commande. Certains toquent aux fenêtres à l'aide d'une canne, d'autres tirent à la sarbacane. Les ouvriers logés en cité se lèvent, eux, au chant doux et mélodieux d'une tonitruante alarme collective jusque dans les années 1940.
A partir des années 1950, l'idée n'est plus de se réveiller à tout prix mais de se réveiller en douceur. Les premiers réveil-cafetière ou réveil-gramophone font leur apparition. Depuis, tout est bon pour atténuer les souffrances du dormeur: réveil en lumière avec la radio, invention du bouton snooze (qui n'est pas une si bonne idée), réveil olfactif qui diffuse une bonne odeur de croissants et même, pour les plus gourmands, réveil qui grille du bacon!
Dans ses Annales, Gilles le Muisit raconte la double opération de cataracte qu’il subit avec succès, vers l’âge de 80 ans, l’année 1351. Probablement originaire de Tournai, il vécut de 1272 à 1352. Pendant plus de soixante ans il fut moine à l’abbaye de Saint-Martin de Tournai, dont il avait été élu abbé en 1331.
En 1351, Gilles le Muisit, abbé de l’abbaye de Saint-Martin, chroniqueur et poète, âgé de près de 80 ans et privé de la vue depuis 4 ans, accepta, en dépit des réticences de ses proches, une opération de cataracte qui, si elle ne lui permit pas d’écrire et de lire de nouveau, lui conféra de nouveau une certaine autonomie, la contrepartie étant d’observer un régime alimentaire plus strict que celui auquel il s’était adonné lorsqu’il s’était cru aveugle pour le restant de son existence...
L’éditeur Henri Lemaître, qui rassembla dans un même ouvrage la Chronique et les Annales de cet abbé pour les publier en 1905, rapporte que ce fut vers 1345 que Gilles, qui jusqu’alors avait toujours joui d’une excellente santé, sentit sa vue baisser ; il ne pouvait plus lire ni écrire, ni distinguer les monnaies ; bref, il était atteint de la cataracte. Force lui fut de renoncer à la vie active ; c’est alors que, pour occuper son temps et se distraire il composa sa Chronique, ses Annales, ses Poésies.
Si du point de vue purement médical, le récit de Gilles le Muisit n’offre qu’un fort médiocre intérêt — les détails sur le mode opératoire et les conditions dans lesquelles fut pratiquée l’opération font à peu près complètement défaut —, il est accompagné, dans le manuscrit original de Bruxelles, d’une curieuse miniature — reproduite ci-dessus — représentant la scène même de l’opération. Encore que cette miniature ne fournisse elle-même, au point de vue technique, qu’une documentation imprécise, elle montre pourtant assez nettement quelles étaient, en pareil cas, les attitudes respectives du patient, du chirurgien et de son aide.
Elle mérite d’ailleurs d’autant plus de retenir l’attention que les documents de cette nature sont fort rares, au moins pour cette époque, et que celui-ci semble bien avoir été pris sur le vif. En effet, le manuscrit d’où cette miniature est tirée a été très vraisemblablement calligraphié sous la dictée même de Gilles le Muisit, en sorte qu’il est permis de supposer que le scribe avait personnellement assisté à l’opération ou, tout au moins, qu’il en avait connu tous les détails. Voici en quels termes Gilles le Muisit parle, vers la fin du livre de ses Annales, de sa maladie et de son opération. Le texte cité est traduit du récit rédigé en latin, fort négligé d’ailleurs :
« Il est certain, dit-il, que moi Gilles, abbé susdit, ayant eu plus de cinquante ans à traiter les affaires de l’Église, soit avec les Supérieurs ecclésiastiques, soit avec les Abbés mes prédécesseurs, soit pendant que j’étais moi-même à la tête de ce monastère, je me suis extrêmement fatigué à écrire. Aussi arriva-t-il qu’en devenant vieux ma vue commença à faiblir, de sorte qu’en dernier lieu je ne pouvais ni lire, ni écrire facilement.
« L’année 1348, la veille et le jour de l’Assomption de la Glorieuse Vierge, je pus encore célébrer une messe privée, mais je dus bientôt reconnaître que cela même me devenait impossible, parce que l’état de mes yeux ne faisait qu’empirer et que je n’y voyais presque plus. Dès lors, je m’abstins de dire la messe, jusqu’au jour où je recouvrai la vue. C’est à ce moment que je devins tout à fait aveugle, supportant, grâce à Dieu, avec résignation cette épreuve qu’il m’envoyait.
« Pour échapper à l’oisiveté et éloigner tout motif d’impatience, je consacrai mes loisirs à faire enregistrer, tant en Latin qu’en Français, une foule d’événements. Beaucoup de personnes s’émerveillaient de ma patience et, de fait, je conservai tout le temps ma gaieté et ma bonne humeur, sans cesser, grâce à Dieu, de faire tous mes efforts pour ne pas tomber dans le vice.
« Et maintenant, que ceux qui viendront après moi sachent qu’un certain Maître, originaire d’Allemagne, vint à Tournai et qu’ayant examiné mes yeux il promit, avec l’aide de Dieu, de me guérir. Après avoir bien réfléchi à tout ce qu’il me dit, et malgré l’avis de mes proches et de mes amis, je finis par me rendre à ses raisons. Je lui permis donc d’exercer son art sur mes yeux, le dimanche après l’Exaltation de la Sainte-Croix pour le premier œil et cinq jours après pour l’autre [les 18 et 22 septembre 1351].
« L’opération fut à peine douloureuse et consista à introduire dans l’œil un certain instrument en forme d’aiguille pour déchirer le voile qui obstruait mes yeux. Je recouvrai la vue, non certes comme elle était pendant ma jeunesse, mais comme il convenait à mon âge, car j’étais déjà octogénaire. Je voyais le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, mais je ne pouvais reconnaître les gens. Je pouvais cependant pourvoir à tous mes besoins, excepté qu’il m’était impossible de lire ou d’écrire. Je pense que ce fut une grâce de Dieu ; que son nom soit bénit et qu’il me conserve en cet état jusqu’à ce qu’il lui plaise de me rappeler à lui. Je fus aveugle trois ans ou environ ».
Dans une de ses poésies, écrites en français, Gilles le Muisit donne le nom de l’opérateur et nous apprend que l’aiguille dont il se servit était une aiguille d’argent. Voici ce passage — dans sa version originale, en vieux français — qui sert de prologue à une longue pièce de vers composée en reconnaissance de sa guérison :
« C’est, dit-il, li loenge et li regrasciemens l’abbet Gillion le Muysit à Dieu, à le Virgène Marie, à Saint Martin, à tous Sains et à toutes Saintes, de chou que lie veue li est recouvrée, qui avoit estet aveules trois ans et plus, et n’avoit célébret, ne rien veut fors un pau d’air, et avoit estet environ siscante-deus ans abbés esleus, se fu aidiés par un maistre nommet Jehan de Meence, qui ouvra en ses yeuls d’un instrument d’argent, à manière d’aguille, sans peler, a pau d’angousce et tot passée, et fu faite cheste cure et vey des deus yeuls selon son eage souffiscamment, l’an de grâce MCCCLI (1351), environ le fieste Saint Remi. »
Qui était ce Jean de Mayence ? Probablement un de ces périodeutes, à la fois oculistes et lithotomistes, si nombreux alors, qui avaient la spécialité de soigner les maladies des yeux et d’extraire les pierres de la vessie. Quoi qu’il en soit, son intervention fut couronnée de succès, dans la mesure au moins où cela était possible à l’âge de Gilles le Muisit, et surtout avec la technique opératoire alors en usage.
La miniature que nous avons mentionnée donne une idée assez exacte de la façon dont se pratiquaient ces opérations de cataracte. Au milieu, on voit le patient assis sur un siège, aux bras duquel il appuie ses mains. La gauche semble se cramponner au siège, en prévision sans doute de la douleur prochaine. La tête est inclinée à droite, pour que l’œil gauche à opérer soit bien à la portée du chirurgien. Celui-ci soutient, de la main gauche, le menton de son malade, tandis qu’il se dispose à introduire dans l’œil gauche l’aiguille qu’il tient de la main droite. Signalons enfin, un jeune aide (le discipulus) qui, de son bras droit, soutient le bras de l’opéré en même temps qu’avec le bras gauche il immobilise sa tête. À droite, on aperçoit des moines qui assistent en curieux à l’opération.
L’attitude et la position respective des divers personnages sont d’ailleurs, en tout point, conformes à ce que les anciens médecins, et en particulier Celse, recommandent en pareil cas : « Le malade, dit Celse, sera assis sur un siège placé au-devant de l’opérateur, dans un lieu bien éclairé et face au jour, de façon que le médecin soit placé un peu plus haut que lui. Derrière l’opéré, se tiendra un aide pour lui soutenir la tête et en assurer l’immobilité, car le plus léger mouvement pourrait lui faire perdre la vue pour toujours... L’œil gauche sera opéré de la main droite et l’œil droit de la main gauche. » (De re medica)
On sait que cette méthode d’opérer la cataracte consistait à introduire une aiguille de fer ou d’argent dans la conjonctive et à la faire pénétrer jusqu’au niveau de la pupille ; à ce moment, l’opérateur s’efforçait d’abaisser le cristallin jusqu’au bas de l’œil pour dégager la pupille du corps opaque qui empêchait l’arrivée des rayons lumineux sur la rétine.
Au Moyen Age, l’oculistique est monopolisée par trois classes de praticiens de valeur différente : le Judeus (Juif), le Rusticus (l’équivalent de nos rebouteux), et le Chirurgus expertus in oculis (un chirurgien expérimenté). À laquelle de ces trois catégories appartenait notre Jean de Mayence ? Certainement pas à la seconde, car les opérateurs de ce genre ne sortaient guère de leur pays d’origine et n’exerçaient leur art que dans un rayon de peu d’étendue. D’autre part, Gilles le Muisit était un trop grand personnage pour se mettre entre les mains d’un oculiste de cette trempe ; l’eût-il voulu, d’ailleurs, que son entourage s’y fût certainement opposé. Il reste donc que Jean de Mayence fut un véritable chirurgien, Chirurgus expertus in oculis, ou un Juif, cette dernière hypothèse étant la plus crédible pour les raisons suivantes.
Il semble bien qu’au XIIIe siècle, et même au XIVe siècle, les chirurgiens diplômés, les doctores chirurgici, comme les appelle Arnauld de Villeneuve, sortis des Écoles de Salerne ou de Montpellier, ne se soient pas beaucoup occupé d’oculistique. Le célèbre Lanfranc (1296) décrit bien l’opération de la cataracte et celle du chalazion, mais il en parle comme quelqu’un qui ne les a jamais faites, ni même vu faire. En revanche, Guillaume de Salicet (1276) décrit l’opération de la cataracte d’après une méthode qui lui était personnelle et qui paraît être le fruit d’une grande pratique.
Il est probable qu’il avait appris la chirurgie oculaire en suivant quelque praticien ignoré de son époque, car il répète à plusieurs reprises que la chirurgie oculaire, et spécialement l’opération de la cataracte, ne peut s’apprendre qu’en voyant opérer un chirurgien exercé dans cet art : « cette opération, dit-il, ne pourra être comprise par l’élève que s’il l’a vue faire de ses propres yeux par quelqu’un d’expert et d’habitué à la pratique oculaire. »
Au XIVe siècle, Jean de Gaddesden déclare que l’opération de la cataracte n’est à la portée ni des médecins, ni des chirurgiens et que s’ils veulent l’entreprendre ils doivent d’abord s’essayer sur des yeux de chien, de coq, ou de tout autre animal. L’oculistique est donc généralement exercée par des périodeutes, praticiens ambulants qui se transmettaient de père en fils les secrets de leur art, comme c’était aussi le cas pour l’opération de la taille. Ce sont ceux dont Jean de Tournemire (1329-1410) constate la malhonnêteté habituelle : Medici carsores curant interdum albuginem cum sit cicatrisa magna et fugiunt habita pecunia.
Aussi, ne faut-il pas s’étonner outre mesure que Valescus dissuade les chirurgiens de se livrer aux opérations sur les yeux. « On rencontre, dit-il, un grand nombre de médecins ambulants qui se font forts de guérir la cataracte avec une aiguille ; ils promettent beaucoup plus qu’ils ne sauraient tenir et beaucoup d’entre eux n’ont d’autre but que d’extorquer de l’argent aux malades. Les médecins honnêtes se gardent bien d’agir de la sorte, car ils tiennent à conserver intact leur honneur. La cure de la cataracte par l’aiguille sera donc laissée à ces jeunes apprentis qui courent de droite et de gauche. »
« L’oculistique, remarque le Dr Pansier, est d’ailleurs généralement entre les mains de praticiens juifs. En 1468, lorsque le roi Jean d’Aragon est atteint de la cataracte, c’est Abi-Abor, rabbin de Lérida, qui l’opère, le 12 septembre de cette année ; il est assez heureux pour rendre la vue à son royal patient. ». Dans ses Variétés chirurgicales, Alfred Franklin observe que « dès le quatorzième siècle, on rencontre les chirurgiens ambulants parcourant les provinces, cheminant un bâton à la main par monts et par vaux, narguant les chirurgiens qu’ils qualifient d’ignorants et, non sans raison, de poltrons. Eux, les vrais précurseurs de nos chirurgiens actuels, rien ne les effraye, rien ne les étonne, rien ne les arrête... Ils réduisent les hernies, abaissent les cataractes, extraient les pierres de la vessie, châtrent les animaux et les hommes, appliquent le trépan, incisent les fistules. Ils osent tout, et le succès vient souvent couronner leur audace. »
C’est probablement à cette catégorie de chirurgiens qu’appartenait Jean de Mayence ; peut-être même joignait-il à l’art d’abaisser les cataractes celui non moins lucratif d’inciseur de vessie ou de lithotomiste. Quoi qu’il en soit, il semble bien démontré que ce n’était ni un médecin, ni un chirurgien diplômé. Ce n’est guère, en effet, que vers la fin du XVIIe siècle, en 1699, qu’on exige des oculistes, comme aussi des rhabilleurs et des lithotomistes, une légère épreuve subie en présence des chirurgiens officiels de Saint-Côme, nous apprend encore Franklin.
Quelle était l’issue ordinaire de ces opérations de cataracte ? Arnauld de Villeneuve nous dit que s’il a vu souvent des spécialistes abattre la cataracte, il a rarement pu constater que cette opération ait donné d’heureux résultats. Cependant, d’autre part, Jean de Gaddesden affirme, précisément à propos de la cataracte, qu’il a vu des chirurgiens, opérant avec l’aiguille, faire des choses surprenantes et acquérir de ce chef beaucoup de gloire, de sorte qu’une seule de ces opérations leur rapportait plus d’argent que dix pratiquées sur d’autres membres par un chirurgien ordinaire.
Toujours est-il que l’opération pratiquée par Jean de Mayence sur les deux yeux de Gilles le Muisit, et à cinq jours seulement d’intervalle, fut, en partie au moins, couronnée de succès. Le vénérable abbé de Saint-Martin ne recouvra pas, il est vrai, complètement la vue puisqu’il ne pouvait reconnaître les gens, ni lire, ni écrire ; mais il voyait le soleil, la lune et les étoiles ; de plus, il pouvait se conduire lui-même et suffire à tous ses besoins. En somme, il est satisfait du résultat et trouve que, pour son âge, il n’y a pas lieu d’être plus exigeant. Jean de Mayence dut donc avoir une bonne rétribution et se faire de ce succès une forte réclame.
Pourtant il y a bien quelque ombre au tableau. Tout en remerciant Dieu d’avoir recouvré la vue, le bon abbé ne laisse pas que de laisser échapper quelques regrets qui prouvent, tout au moins, qu’il avait su, durant sa cécité et sans doute pour s’en consoler, mener joyeuse vie et faire de copieuses libations. N’était-il pas naturel qu’on vînt le distraire de ses ennuis, égayer sa solitude, bavarder et festoyer avec ce pauvre infirme. De là à se laisser aller à quelques excès, bien innocents d’ailleurs, il n’y avait qu’un pas ; puis, le malade ne se croyait-il pas condamné à rester aveugle pour le reste de sa vie ! Pourquoi, dans ces conditions, se serait-il privé ? Ainsi écrit-il dans ses Poésies :
Or sachent tous et toutes, quant aveules iestoye
Dou fort vin sans temprer a men plaisir buvoie ;
D’aus, d’ougnons et d’airun, de rien ne me wardoye,
Car pour homme perdut, sachiés, je me tenois.
Mais, après l’opération, si l’on ne veut pas en perdre le bénéfice, un régime sévère s’impose ; il faut changer de vie : les yeux sont sensibles, redoutant le vent et le froid :
J’ay les ioez diffamés, un pau s’en suy honteus,
Et le temps m’est contraire, quant frois est et venteux.
Adieu aussi le bon vin et l’ail,.adieu les longues veilles et les copieuses beuveries :
Il me convient warder dou vent et de l’orage,
D’airuns et de fors vins, dont j’avoie l’usage,
Et, pour chou que je voie, contrefaire le sage,
Mes coutumes cangier et muer me corage.
Jay les deus ioex moult tenres, se me nuyroit lumière,
Ayl, vins taster et veiller, fèves, feux et fumière,
Se me convient warder ou revenir arrière
En lestat prumerain et cangier me manière.
Malheureusement pour lui, le bonhomme ne jouit pas longtemps de sa demi-guérison et n’eut pas à « contrefaire le sage » pendant de longues années. Il mourut l’année suivante, le 15 octobre 1352.