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Le Blog De Papy-Bougnat

  • Papy-bougnat
  • De moi. retraité, passionné, curieux, gourmet, vivant au vert en Aquitaine
Signe particulier : « Ayant attrapé tout jeune la maladie bleue et pas guéri à ce jour !
Dans ce blog vous trouverez un peu de vérité, beaucoup de passion, et quelques coups de gueule 
Bonne route & merci pour votre visite
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Traducteur

A L'affiche..

La culture Ne s'hérite pas, Elle se conquiert. 

 

[André Malraux]

********** 

 

Actu du jour...


       

24 mars 2025 1 24 /03 /mars /2025 09:33
Un regard vers le passé ; Expressions & proverbes D'autrefois

Dans la catégorie ; " Expressions & Proverbes d'autrefois " voyons aujourd'hui "

" Après lui, il faut tirer l’échelle" 

Ces mots signifient que, si quelqu’un a très bien fait une chose, il ne faut pas chercher à l’égaler.

Cette locution proverbiale s’emploie pour désigner un homme très habile ou très fort, qui fait si bien que personne ne saurait entreprendre de faire la même chose après lui et de la faire mieux que lui.

On s’en sert aussi en parlant d’une personne qui vient de raconter sérieusement un fait exagéré et incroyable.

On a employé ici le mot échelle, parce que cet objet servait aux condamnés pour monter au gibet. Lorsqu’il y avait plusieurs condamnés que l’on exécutait successivement, c’était le plus coupable qui passait le dernier, on disait tout naturellement qu’après lui on pouvait tirer l’échelle.

Cette locution, employée actuellement, ne l’est plus qu’au figuré.

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17 mars 2025 1 17 /03 /mars /2025 12:25
Un regard vers le passé ; Expressions & proverbes D'autrefois

Dans la catégorie ; Expressions & Proverbes d'autrefois " voyons aujourd'hui "

Faire d’un diable deux

(Ajouter une seconde faute à une première qu’on cherche à corriger. Produire un nouveau mal par le remède)

Cette signification est très bien établie dans le passage suivant de Rabelais : « Pantagruel feit d’ung ange deux, qui est accident opposite au conseil de Charlemaigne, lequel feit d’ung diable deux, quand il transporta les Saxons en Flandres et les Flamens en Saxe. Car, non pouvant en subjection contenir les Saxons, par luy adjoinctz à l’empire, qu’à tous momens n’entrassent en rebellion, si par cas estoyt distraict en Hespaigne ou aultres terres loingtaines, les transporta en pays sien et obéissant naturellement, sçavoir est

Flandres : et les Hannuiers [habitants du Hainaut] et Flamens, ses naturelz subjectz, transporta en Saxe, non doubtant de leur féaulté, encores qu’ilz transmigrassent en régions estranges. Mais advint que les Saxons continuarent en leur rebellion et obstination première ; et les Flamens, habitans en Saxe, embeurent les meurs et conditions des Saxons. » (Liv. III, ch. I)« En remontant le fleuve, nous avions pour compagnon de voyage un vieillard de Memphis, interprète sacré, d’un savoir admirable, et qui avait approfondi toute la doctrine égyptienne. On disait même qu’il était resté vingt-trois ans dans les sanctuaires souterrains, où Isis l’avait initié dans la magie. Je fus quelque temps sans deviner ce qu’il était ; mais quand je le vis, toutes les fois que nous entrions dans un port, nous étonner par mille prodiges, monter des crocodiles et nager au milieu des monstres qui le respectaient et le flattaient de la queue, je ne doutai plus que cet homme n’eût quelque chose de sacré, et, par des égards et des prévenances, je devins insensiblement son ami, son confident. Nul de ses secrets ne me fut caché.

« Un jour, enfin, il m’engagea à laisser tous mes esclaves à Memphis et à le suivre seul. Nous ne manquerons pas, me disait-il, de gens pour nous servir. Nous ne restâmes plus que nous deux. Seulement, quand nous arrivions dans une hôtellerie, il prenait la barre de la porte, le balai ou le pilon, lui mettait un habit, et, en prononçant quelques paroles, il en faisait un être qui marchait et que tout le monde prenait pour un homme. C’était là ce qui allait nous puiser de l’eau, nous préparait à manger, rangeait les meubles et nous servait en tout avec une singulière adresse. Le service fini, l’Égyptien disait d’autres paroles, et le balai n’était plus qu’un balai, le pilon qu’un pilon. Malgré mes instances, je ne pus jamais savoir de lui cet enchantement ; il s’en réservait le mystère, quoiqu’il me dît volontiers tout le reste.

« Mais un jour, caché près de lui dans l’obscurité, j’entendis, à son insu, la formule magique ; elle avait trois syllabes. Il ordonna ensuite au pilon ce qu’il fallait faire et sortit. Le lendemain, comme il était encore occupé dans la ville, je prends le pilon, je l’habille, je lui adresse de la même manière les trois syllabes et lui commande de m’apporter de l’eau. Il obéit, remplit l’amphore et me l’apporte. Il suffit, lui dis-je, ne va plus chercher d’eau et redeviens pilon. J’ai beau parler, il ne m’écoute pas, et à force de puiser et d’apporter de l’eau, il menace de me noyer.

« Que faire alors ? Je tremblais que Panocratès, à son retour, ne se mît en colère, comme il n’y manqua pas. Je saisis donc une hache et je coupe en deux le pilon ; mais chacun des deux morceaux prend une amphore et continue. Au lieu d’un porteur d’eau, j’en avais deux. En ce moment, Panocratès arrive ; il devine la chose, et rend au pilon sa première forme. Mais depuis il me quitta sans me rien dire, et je ne le vis plus. Ainsi je n’ai que la moitié de son secret, et, supposez que je fasse un porteur d’eau, je ne saurais jamais le faire revenir ce qu’il était. Il ira puiser toujours, et j’inonderai la maison. »

On voit très bien l’origine du dicton, faire d’un diable deux, dans l’opération malencontreuse du pilon coupé en deux, qui fait deux porteurs d’eau ou deux diables. Mais quel est le sens moral de ce conte ? Madame de Staël, qui fait honneur à l’imagination de Gœthe du récit de Lucien, qu’elle ne connaissait pas sans doute, trouve que l’imitation maladroite des grands secrets de l’art y est très bien peinte.

On peut penser aussi que l’élève sorcier est l’emblème des agitateurs politiques. Après avoir déchaîné les passions du peuple dans la vue de leur ambition particulière, ils cherchent en vain à les retenir. La révolution qu’ils ont provoquée éclate par des effets contraires à leurs espérances, et fait couler le sang comme l’eau. Les moyens qu’ils emploient pour y remédier ne font qu’accroître le mal, et tout va périr s’il ne se présente un homme puissant et habile qui fasse tout rentrer dans l’ordre.

 

 

 

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10 mars 2025 1 10 /03 /mars /2025 08:53
Un regard vers le passé: " Expressions & proverbes d'autrefois  "

Dans la catégorie Expressions& Proverbes d’autrefois :

Ajoud'hui voyons ce que veut dire

 

Siffler la linotte

(D’après « Parémiographe français-allemand ou Dictionnaire des métaphores
et de tous proverbes français adaptés et sanctionnés
par l’Académie française » (par Jacques Lendroy), paru en 1820)

Lexpression| Siffler la linotte veut dire Boire beaucoup, (plus que de raison.) Une expression datant du XVIIe siècle qui tire son origine du penchant immodéré pour la boisson d'un domestique du médecin ordinaire du roi auquel son maître avait promis de doubler les gages s'il parvenait à siffler une linotte Née en 1594, Marin Cureau de La Chambre, exerçait comme médecin dans la ville du Mans, lorsqu’en 1632 il fut nommé médecin par quartier du roi Louis XIII — il était au service du roi durant un trimestre par année. Mais il fit de tels progrès dans la médecine et se rendit si célèbre par ses cures étonnantes, que le cardinal de Richelieu le fit le médecin ordinaire du roi en 1641 — le médecin ordinaire remplaçait le premier médecin lorsque ce dernier était indisponible.

L’histoire :

Marin Cureau, qui remplit également cette fonction sous Louis XIV, avait pour domestique un jeune homme que l’on nommait le beau siffleur. En effet, il sifflait avec tant d’agréments, de douceur et d’art, que chaque jour l’on priait son maître de lui accorder la permission de se rendre tantôt dans une société, tantôt dans une autre, pour y étaler son art et contribuer à leur amusement.

Des invitations si souvent réitérées, et surtout les différents toasts que l’on portait sans cesse à son habileté, en firent un si grand ami de la bouteille, qu’il ne rentrait presque jamais chez lui sans être pris de vin. Son maître, pour couper court à un vice qui empirait de jour en jour, lui défendit de sortir dorénavant, et lui promit de doubler ses gages si dans le cours de trois mois, il apprenait parfaitement à siffler une linotte qu’il lui remit en main.

Quelque dur que fût ce sacrifice, le domestique s’y résolut, et promit de faire l’impossible pour s’acquitter de la tâche qui lui était imposée. Malheureusement, dans la chambre où il exerçait son élève, se trouvait une porte qui conduisait au cellier, où son maître tenait ses vins les plus fins et les plus délicats. Le démon du vin lui insinua de se procurer un passe-partout, pour se dédommager des bonnes rasades dont on venait de le sevrer ; et aussitôt sa leçon donnée, il allait au tonneau, contentait son appétit et revenait à son ouvrage qu’il continuait avec la plus grande ardeur.

Un jour, son maître le prit sur le fait, et le trouva si enivré qu’il le rossa d’importance, lui ordonna de faire son paquet et de déguerpir au plus vite. Notre beau siffleur eut beau prier et conjurer, il fallut obéir, et ce qui lui tenait le plus à cœur, fut de perdre ses gages qui lui revenaient, depuis deux ans, et que son maître lui retint, pour s’indemniser du vin qu’il lui avait bu.

Tout le monde, instruit du sort du beau siffleur, qui depuis son équipée, avait déserté Paris, de peur d’y être montré au doigt, en demanda la raison à Marin Cureau de La Chambre, qui n’en fit pas mystère et raconta la chose comme elle s’était passée. Cette histoire vola bientôt de bouche en bouche et donna lieu à l’expression siffler la linotte, dont on se servit depuis pour indiquer une personne qui boit plus que de raison.

 

 

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24 février 2025 1 24 /02 /février /2025 11:58
Un regard vers le passé : " Expressions & Proverbes d'autrefois "

Dans la catégorie Expressions& Proverbes d’autrefois :


Aujourd’hui voyons ce que veut dire ;

"Avoir la venette"

 

( Avoir peur )

Une étymologie faisait autrefois venir le mot venette des Vénètes, peuple d’Italie qui, obligé de fuir devant le conquérant Attila, fonda Venise ; l’autre, qui est de Littré, le dérive de vene, vesne, vieux substantif français tombé en désuétude, et qui, pour cette raison, brave mieux l’honnêteté que son synonyme dans la langue moderne.

Quoi qu’on ait pu dire en faveur de la première, elle n’a aucun fondement ; car le mot venette ne se trouvant ni dans Furetière (1727), ni dans Trévoux (1770), ni dans le Dictionnaire de l’Académie de 1835, il n’est pas à croire qu’un événement arrivé sur l’Adriatique au Ve siècle ait pu donner lieu, chez nous, à une expression qui ne date guère que du nôtre.

La seconde est sans doute plus sérieuse ; mais ce n’est pas encore la vraie. En effet, si venette est le diminutif de vene, il doit se construire avec les mêmes verbes que le synonyme de ce dernier. Or, on n’emploie pas et l’on n’a jamais employé donner et avoir avec le synonyme en question : ce synonyme n’a jamais été que le complément du verbe faire ou d’un verbe de sens analogue. Par conséquent, venette ne peut non plus venir de vene.

Voici comment, semble-t-il, a été formé le mot dont il s’agit : au commencement du XVIIIe siècle, nous avions le verbe vener (latin venari) dans le sens de chasser ; ce verbe s’appliquait aux animaux de boucherie, veaux, bœufs, etc., que l’on faisait courir, paraît-il, pour qu’ils eussent la chair plus tendre : « À Rome et en Angleterre, on a coutume de vener les bœufs » (Dictionnaire de Furetière)

Ce même verbe s’employait en parlant des personnes. On disait de quelqu’un qu’il avait été bien vené, pour signifier qu’on l’avait bien fait courir, qu’on lui avait bien donné de l’exercice. Or, c’est de vener qu’on a fait venette, comme d’amuser, seriner, deviner, etc., on a fait amusette, serinette, devinette. De même qu’aujourd’hui, on disait alors donner la chasse à quelqu’un, ainsi que le montrent ces exemples : « L’aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin » (Fables de La Fontaine, livre II, fable 8) ; « M. de Grignan donnera la chasse à ces démons » (Lettres de Madame de Sévigné) ; « Il donne la chasse aux vices » (Discours sur l’union de Jésus-Christ avec son épouse. Comment Jésus-Christ est-il l’époux des âmes dans l’oraison de Bossuet).

Une fois qu’on eut créé venette, on dit, par analogie, donner la venette à quelqu’un, pour signifier lui donner la chasse. Mais l’animal qu’on vène a évidemment peur, puisqu’il fuit, et la personne que l’on poursuit de la même manière a peur également : on a appliqué le nom de la cause à l’effet (ce qui se pratique souvent pour étendre le sens des mots), et venette s’est employé pour frayeur, peur, alarme.

 

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17 février 2025 1 17 /02 /février /2025 09:41
Un regard vers le passé ; "Proverbes & Expressions d'autrefois "

Dans la catégorie Expressions& Proverbes d’autrefois :

Aujourd’hui voyons ce que veut dire ;

"A corsaire, corsaire et demi "

(Il faut se montrer plus audacieux que celui qui nous attaque)

Effectivement, vis-à-vis d’un homme agressif qui a la dureté et l’audace d’un corsaire, il faut se montrer encore plus agressif et plus audacieux, opposant ainsi à cette espèce de corsaire un autre corsaire et demi.

Le mot corsaire nous est venu de l’espagnol corsario, qui lui-même dérive de corsa, course, mot italien et provençal en même temps. Cette expression s’appliqua d’abord aux vaisseaux des pirates du nord de l’Afrique qui, partant des Etats barbaresques, couraient sur la mer Méditerranée, après les vaisseaux des chrétiens non pour les convertir à l’islamisme, mais pour s’emparer des personnes et des cargaisons.

On a donné, par la suite, le nom de corsaires aux brigands qui montaient ces bâtiments, moins grands que d’autres, mais très bons voiliers. Au XVe siècle on écrivait coursaire et l’on peut être à peu près certain que cette locution proverbiale ne devait pas remonter beaucoup au-delà.

 

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10 février 2025 1 10 /02 /février /2025 11:20

Proverbes et expressions populaires d’usage courant : origine, signification d’expressions proverbiales de la langue française

Un regard vers le passé  " Expressions proverbes d'autrefois "

À force de forger on devient forgeron

(À force d’exercices on fait les choses mieux et plus facilement)

Ce proverbe présente la même idée qu’un aphorisme en usage chez les Latins et s’énonçant ainsi : Taurim tollet qui vitulum sustulerit, ce qui signifie : Il portera un taureau celui qui aura porté un veau. Car, tout le monde sait que c’est à force d’exercices que l’on fait bien des choses et que l’on parvient à exceller dans une profession ou un état quelconque. Un seul exemple, tiré de l’histoire ancienne, suffira pour s’en convaincre.

Le grand orateur grec Démosthène avait, à ses débuts, la voix faible et la langue embarrassée ; il ne pouvait même pas prononcer certaines lettres. Sa respiration était si gênée et si courte qu’il devait s’arrêter dans une période un peu longue ; de là les moqueries des Athéniens. Démosthène vint à bout de vaincre les défauts de son organe en mettant dans sa bouche de petits cailloux, débitant ainsi, à haute voix, plusieurs phrases de suite, tout en marchant et même en gravissant les montées.

Ces exercices furent couronnés de succès, en ce que, par la suite, nulle lettre ne put l’entraver dans son débit oratoire et que les plus longues périodes ne lui coupaient plus la respiration. Il fit mieux encore : pour s’habituer aux murmures des foules, il se rendit sur les bords de la mer, au moment où les flots étaient le plus agités. 

Ici L’apprenti forgeron. Enluminure extraite de Mare historiarum (La Mer des histoires)
par Giovanni Colonna, historien italien du XIVe siècle, dans une version enrichie
datant d’environ 1450 (manuscrit latin n°4915 de la BnF)

Là, il y déclamait ses immortelles harangues, s’efforçant de dominer le bruit de ces flots qui lui remplaçaient les cris du peuple. Cet orateur fut récompensé de toutes ses peines en devenant le plus éloquent de son époque ; ses œuvres, comme son nom, sont impérissables. Démosthène avait ainsi, peut-être un des premiers, mis en action ce proverbe : À force de forger on devient forgeron.

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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 09:00
Un regard vers le passé  " métiers oubliés "

Jadis, la cordonnerie était un art — les cordonniers étant alors considérés réellement comme des artistes — essentiellement français, et le compagnonnage, qui rimait avec voyage, était très en faveur au sein de cette corporation, non moins que la solidarité ouvrière bien avant l’ère des syndicats

Aujourd'hui; "Métiers anciens / oubliés "

Cordonniers d’autrefois    

(D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1926)

 

Ménage assure que le mot « cordonnier » vient de Cordoue, ville d’Espagne où l’on fabriquait un cuir de bouc ou de chèvre nommé « cordouan ». Dans une ordonnance royale de Philippe de Valois (1328-1350), relative à ce métier, on trouve, en effet, cordouanniers pour cordonniers. Leur confrérie, fondée au temps du roi Charles V le Sage (1364-1380), avec saint Crépin pour patron, occupait une des premières places dans l’échelle des corporations, bien avant celle des peintres et celle des sculpteurs-imagiers. Elle eut le privilège d’être établie à Notre-Darne et fut chargée de « donner l’exemple » aux autres confréries.

Les travailleurs de la corporation se subdivisaient en plusieurs branches : il y avait les cordonniers, vachiers, sueurs, savetiers, carreleurs, formiers, talonniers, galochiers. Ces différents noms des fabricants de chaussures étaient tirés de la nature de leur profession : vachiers, parce qu’ils travaillaient surtout le cuir de vache ; sueurs, du latin suere, coudre ; carreleurs, de la pose des carreaux à la semelle des souliers, etc. La plupart de ces noms spéciaux ne sont plus employés aujourd’hui ; celui de cordonnier caractérise à lui seul l’ensemble du métier.

Pourtant, le terme de « carreleur » pour désigner le ressemeleur de souliers existait encore à la fin du XIXe siècle. Alors, on rencontrait dans les villes de nos provinces l’ouvrier cordonnier portant le tablier de cuir par devant, la hotte sur le dos, et parcourant les rues en poussant de temps à autre le vieux cri professionnel : « Carreleur souliers ! » Le plus souvent, ces ouvriers venaient de Lorraine et n’exerçaient leur profession que pendant l’hiver. Aux premiers rayons du soleil, ils s’en retournaient au pays cultiver leur champ.

Le savetier (le maître savetier et son épouse côte à côte derrière leur comptoir distribuent
et contrôlent le travail de leurs trois ouvriers). Gravure d’Abraham Bosse (1632-1633)

La corporation cordonnière était, d’ailleurs, volontiers voyageuse. Il n’en était point où le compagnonnage et la tradition du Tour de France aient été plus en faveur. On sait que pour acquérir des connaissances plus étendues dans leur métier, et pour se perfectionner dans les diverses spécialités qu’il comportait, des ouvriers d’un grand nombre de corporations, dès qu’ils étaient reçus compagnons, partaient pour une sorte de pèlerinage pratique à travers la France.

Le syndicalisme moderne n’a pas inventé la solidarité ouvrière : elle existait alors et se manifestait par une entente naturelle entre tous les travailleurs d’une même profession. Les cordonniers qui, de par les exigences de leur métier, demeuraient enfermés tout le jour dans d’étroites échoppes, tenaient en un respect particulier cette tradition du Tour de France. Rares étaient les compagnons qui renonçaient de gaieté de cœur à ce voyage à travers les provinces. Aussi, leur organisation fraternelle était-elle citée comme un modèle.

Dans chaque ville, l’association était représentée par la mère, lieu de rendez-vous général. Un compagnon cordonnier arrivait-il sans le sou et marchant sur ses empeignes, dans une cité de France, il se rendait immédiatement chez la mère des cordonniers, se faisait reconnaître comme frère et demandait du travail. On lui en donnait toujours, qu’il y en eût ou qu’il n’y en eût pas, car dans ce dernier cas, le plus ancien compagnon quittait sa place pour l’offrir à son confrère ; ou bien, on lui procurait l’argent nécessaire pour continuer sa route.

Était-il malade ? Les soins les plus empressés lui étaient prodigués. Mais s’il se montrait paresseux, ivrogne ou débauché, et si sa conduite pouvait porter atteinte à l’honneur professionnel, il était impitoyablement exclu de la corporation. Cela ne veut pas dire que les cordonniers du temps jadis étaient tenus à la plus stricte sobriété. Ils avaient généralement, au contraire, la réputation d’aimer assez la dive bouteille. Un refrain populaire disait :

Les cordonniers sont pires que les évêques ;
Tous les lundis ils font la fête.

cliché "Le cordonnier. Gravure de Jost Amman (1568)

Cela tenait, paraît-il — du moins c’était une tradition établie au pays de Flandre — à ce que les savetiers d’autrefois ne savaient jamais au juste quel jour tombait la fête de saint Crépin. On leur avait dit que c’était un lundi ; et, pour être sûrs de ne point se tromper et de ne point laisser passer le jour du saint patron sans le célébrer dignement, ils le fêtaient gaillardement tous les lundis de l’année. C’étaient d’heureux compères que les savetiers de ce temps-là. Rapportons-nous-en plutôt à celui de La Fontaine, qui « chantait du matin jusqu’au soir », ou encore à celui que Ferdinand de Lignères fait parler en ces termes dans son Savetier du coin :

Je ne suis créancier d’aucun puissant seigneur :
On me paie comptant, et c’est là le meilleur.
Le prince exige peu de ma noble industrie ;
Je pratique un art libre et j’y gagne ma vie.
Ma foi, tout bien compté, c’est un fort bon métier,
Et l’on doit envier le sort du savetier.

Certaines villes étaient particulièrement renommées dans la pratique de la cordonnerie. Les maîtres-cordonniers de Paris avaient leur rue dans le quartier des Halles et le droit d’étalage sous les piliers. Rouen aussi était célèbre pour la fabrication des souliers ; mais mais la cité cordonnière-illustre entre toutes, c’était Toulouse.

 

Un chevalier de Malte, qui fit, au XVIIe siècle, un voyage économique à travers la France, a témoigné de son admiration pour les souliers de Toulouse. Il raconte qu’un cordonnier dont il était le voisin, rue Croix-Baragnon, lui fit voir toutes sortes d’admirables chaussures : « bottes fortes, molles, blanches, noires, bottes de chasseur, bottes de pêcheur, bottes de ville ou bottines, souliers de tous genres, souliers pointus, souliers carrés, souliers lacés, souliers à patins, souliers à nœuds, à rosettes, à ailes de papillon, à ailes de moulin à vent, souliers à boucles, souliers de maroquin, souliers de cuir bronzé. (Le cordonnier (un cordonnier, accompagné de son aide, vient au domicile d’une dame
afin de lui faire essayer des chaussures). Gravure d’Abraham Bosse (1632-1633)

« Il voulut que je visse encore, dit-il, les souliers pour femmes. Dans l’armoire où ils étaient rangés, il y en avait à talons de bois, à talons hauts, à talons bas, avec des quartiers, sans quartiers ; il y en avait en soie, en velours, en brocart d’or, en brocart d’argent ; il y en avait de brodés, il y en avait de galonnés... »

Émerveillé, le voyageur pose au fabricant de toutes ces belles chaussures, une question : « Les cordonniers de plusieurs villes de France envoient leurs souliers à la halle de Paris. En est-il ici de même ? » Et l’artiste lui répond avec le ton d’un cordonnier de la Garonne : « Toulouse ne travaille que pour Toulouse ! »

Ce temps-là, assurément, fut une grande époque pour la cordonnerie française. Ne vit-on pas le Roi-Soleil lui-même honorer la-cordonnerie française en donnant des armes parlantes : « d’azur à la botte d’or », au sieur Lestage, établi à Bordeaux, à l’enseigne du Loup botté, et, tout à la fois, cordonnier habile et poète de talent ?

Il n’est peut-être pas hors de propos, en notre temps de vie chère, de comparer le prix de toutes les belles chaussures de ce temps-là à celui que nous coûtent aujourd’hui nos souliers. Dans les savants ouvrages du vicomte d’Avenel, l’éminent économiste et historien qui a relevé les prix de toutes choses au cours de sept cents ans, nous trouverons les renseignements souhaités.

Nous y voyons qu’au temps du bon roi Henri IV, le peuple, en grande partie, ne se servait encore que de chaussures de bois ou de corde, et que, sous Louis XIII, les meilleurs souliers des pauvres gens n’avaient de cuir que par le bout. Par exemple, à cette même époque, on pouvait se chausser de sabots : les meilleurs ne coûtaient même pas 40 centimes la paire.

Au Moyen Age, seuls les nobles et les bourgeois aisés portaient des chaussures de cuir ; et ces chaussures, pourtant, ne sont pas chères au regard des prix d’aujourd’hui. Des « souliers à courroies » pour la reine, en 1312, sont cotés 2 fr. 70 ; ceux de la nièce d’un évêque, 1 fr. 25 en 1402 ; ceux d’un prieur, au XVIe siècle, 1 fr. 50. Les « escarpins » des gens de guerre valent 1 fr. 16 en 1558.

Les houseaux en cuir de Cordoue — on sait que l’houseau couvrait la moitié de la cuisse — valaient, au XIVe siècle, de 6 à 13 francs, suivant la qualité. En Bourgogne, à la même époque, les villageoises ne payaient leurs chaussures que 51 centimes. Les souliers d’homme, dans la première moitié du XVIe siècle, ne valent pas plus de 1 fr. 50. Mais à la fin du siècle, par suite du renchérissement de-toutes choses causé-par I’afflux de l’or du Nouveau Monde, leur prix monte à près de 4 fr. 50.( cliché représentant un Atelier d’un cordonnier. Gravure d’Albrecht Schmid (1700)

Leur valeur augmente encore aux siècles suivants. Mais, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le prix des souliers communs ne monta guère à plus de 3 francs ou 3 fr. 50 la paire. Les souliers des gentilshommes valaient 8 ou 9 francs ; les bottines de maroquin, 18 francs ; les mules des jolies dames, 10 à 12 francs. Les bottes à l’écuyère ou à la hussarde coûtaient de 10 à 40 francs.

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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 08:52
Un regard vers le passé: "Métiers oubliés "

Métiers anciens / oubliés ;

" Métiers anciens / oubliés ; Histoire des métiers, origine des corporations, statuts, règlements, us et coutumes. Métiers oubliés, raréfiés ou disparus de nos ancêtres." 

Charlatans d’antan
(déversant leurs boniments)

(D’après « Musée universel : revue illustrée hebdomadaire », paru en 1873)

Sous Louis XIII, un grand nombre de marchands et colporteurs italiens se répandirent en France, sur tous les points du royaume. On les appelait des charlatans ; du mot ciarlare qui veut dire jaser. Ces industriels forains débitaient force calembours, force chansons ; et surtout à profusion des parfums et des opiats.

Ces charlatans étaient généralement accompagnés d’un singe qui attirait le public par ses grimaces excentriques. Nous publions une des gravures du temps représentant un de ces marchands en plein vent. Plus tard, ils gagnèrent des sommes si considérables, qu’ils menacèrent un instant le commerce des boutiquiers.

Ils parcouraient la France dans des carrosses splendides, revêtus de pourpre, escortés d’une musique brillante, portant ombrage par leur luxe et leurs prodigalités aux grands seigneurs du temps.

Ils finirent par se rendre à ce point insupportables, que le médecin du roi Louis XVI les fit bannir du royaume quelques années avant la Révolution. Ce fut une mesure honnête de Necker. Ces charlatans avaient fini par usurper les fonctions de médecin, et ruinaient non seulement les bourses, mais les santés de leurs clients.

Charlatan du temps de Louis XIII. Gravure parue
dans Le livre des parfums, d’Eugène Rimmel (1870)

Ils étaient doués d’une verve peu commune, si nous croyons cette anecdote éditée par Victor Fournel :

Un charlatan s’était installé, dans une bourgade, sur la place de l’Église, au moment où l’on sortait de la grand’messe. A peine les premières personnes eurent-elles mis le pied hors de l’église, qu’un grand éclat de tambours et de trompettes retentit sur la place. Le peuple se rua en avant... Quand l’homme vit les douze cents indigènes, petits et grands, accumulés à ses pieds, il fit un signe de la main droite ; la musique se tut, et un frémissement d’attente courut dans toute la foule. L’orateur se moucha lentement ; le silence était profond.

 Scène de rue montrant un charlatan. Gravure du XVIIIe siècle

« Mes amis, s’écria-t-il en fausset, vous venez d’adorer Dieu dans son temple ; c’est bien, c’est très bien, et je vous en loue du plus profond de mon âme. Chrétiens, vous avez fait votre devoir, et l’homme qui fait son devoir est grand. Eh bien ! continua-t-il au milieu de l’attention puissamment surexcitée par ce pompeux exorde, en présence de ce temple saint, devant cet auditoire purifié par l’auguste sacrifice auquel il vient d’assister, devant ce Dieu de vérité qui m’écoute, je puis lever la main sans crainte et jurer sur mon honneur et ma conscience de chrétien que mon onguent », etc. ; le reste comme dans la chanson ordinaire.

Le fameux dentiste Duchesne, avant de procéder à ses opérations sur la place publique, s’écriait :

  Un arracheur de dents au début du XIXe siècle

« Messieurs, d’autres vous arrachent les dents ; moi je ne les arrache pas, je les cueille. » Un arracheur de dents, emporté par la fougue de l’éloquence, voguait en plein lyrisme. Des incrédules riaient dans l’auditoire. Le praticien indigné s’interrompt : « Messieurs, s’écrie-t-il d’une voix foudroyante, j’en vois qui ricanent là-bas ; cela ne m’étonne nullement. Il faut vingt ans pour faire un habile médecin comme moi, capable de guérir les affections les plus incurables ; mais il ne faut qu’une seconde pour faire un imbécile, toujours prêt à rire de ce qu’il ne comprend pas. »

Nos hommes, terrifiés par cette apostrophe, ne firent semblant de rien et s’esquivèrent un moment après, tout penauds.

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20 janvier 2025 1 20 /01 /janvier /2025 09:36
Un regard vers le passé; " Métiers anciens / oubliés

Aujourd'hui notre regard se pose  sur le Métier de " Bucheron "

Métiers anciens / oubliés;

Histoire des métiers, origine des corporations, statuts, règlements, us et coutumes. Métiers oubliés, raréfiés ou disparus de nos ancêtres.

Bûcherons du temps jadis :
une existence « au fil du bois »

(D’après « Le Nouvelliste illustré », paru en 1900)

 

En 1900, Jules Jeannin (à ne pas confondre avec l’écrivain et critique Jules Janin), professeur de trait — on désigne ainsi les opérations de tracé des épures et de lignage des bois afin de mettre en œuvre des charpentes traditionnelles —, entrepreneur de Menuiserie, d’Art et de Bâtiment, membre du Comité technique de la Société de protection des apprentis et co-auteur deux ans plus tôt d’un Traité de menuiserie en trois tomes, publie au sein du Nouvelliste illustré un récit ayant trait à la vie des bûcherons du XIXe siècle que les mots âpreté, entraide, plaisirs simples et communion avec la nature, ne sauraient mieux qualifier

epuis un mois déjà, ils partaient chaque matin, après avoir mangé la soupe à la chandelle, et, s’étant réunis aux Quatre-Chemins, ils montaient ensemble la colline, la hache sur l’épaule ou au bras, un sac de toile en bandoulière, et arrivaient à la pointe du jour sur la lisière du bois. Le sac contient généralement un morceau de pain, un bout de fromage de gruyère ou une poignée de noix. Quelquefois il y a noix et gruyère, et lorsque cela arrive, ce jour-là compte pour un heureux jour, mais les heureux jours sont rares pour les rudes bûcherons.

— Nous sommes tous pauvres, sans doute, nous mangeons maigre, disait le père Francis, mais nous sommes solides quand même et nous devenons vieux, et ce n’est pas ça qui nous empêche d’abattre les arbres.

Jamais aucun bûcheron ne porte à boire avec soi, car il y a une source dans la forêt, une belle source où les oiseaux vont boire, eux aussi. Aussitôt arrivés, ils suspendent leurs sacs à une branche d’arbre, bourrent leur pipe, les allument, ôtent leur blouse, et voilà que la forêt résonne sous les coups des haches ; celles-ci s’enfoncent, précipitées, dans le tronc des hêtres, projetant au loin de larges copeaux qui sifflent en passant avec des façons d’éclats d’obus. De temps à autre, l’on entend, dominateur de tout bruit, un formidable craquement aussitôt suivi d’un choc épouvantable : c’est un géant qui tombe, majestueux, comme devaient autrefois tomber, dans la bataille, les preux tout bardés de fer.

J’aime ces hommes des bois pour leur endurance et leur sobriété, écrit Jules Jeannin, aussi parce qu’ils sont doux et bons entre eux ; car si quelqu’un n’a pas de fromage ou de noix, il en mange quand même. Si l’un ou l’autre n’a pas de pipe, manque de tabac, ce n’est pas cela qui l’empêchera de fumer. Aucun ne voudrait qu’il en fût autrement, tous sachant que s’entraider, se porter mutuellement secours est une des belles choses de la vie. Et je me souviens avec plaisir des refrains lentement chantés dans la nuit, lorsqu’ils s’en revenaient : refrains berceurs, roulades amoureuses ou rustiques. Car vous devez savoir que les aimables et rudes bûcherons ne quittent jamais la forêt avant que la nuit les en chasse. Tant qu’ils peuvent distinguer l’endroit où la hache doit frapper, ils frappent sans relâche.

Mais, comme les jours deviennent de plus en plus courts, et que les haches ont fait grand ouvrage, que chaque matin le chantier se trouve plus éloigné, ils ont décidé de coucher dorénavant dans les bois. Ne croyez pas que cela les attriste. Non. Du reste, la fatigue, pour eux, sera bien moins grande, et tout bûcheron aime à entendre, la nuit, en automne, en hiver, la plainte sonore des arbres géants tordus par les vents.

L’été, le roucoulement des colombes, perchées on ne sait où, est délicieux dans la solitude des forêts ; et la voix des hiboux, de ces si mystérieux amis de l’obscurité, s’appelant ou se répondant, n’est-elle pas admirable dans le silence de la terre ? Si vous ne l’aimez pas, la belle voix plaintive de ces incomparables noctambules, c’est que vous ne la comprenez point. Lorsque vous aurez le bonheur de l’entendre, écoutez bien, et je suis sûr que vous y trouverez l’harmonie et la profondeur que je sais ; car, vraiment, les trilles et les roulades du rossignol, cet autre soliste aimé des nuits, si beaux qu’ils soient, ne sont rien auprès d’elle. Le chant du rossignol va droit au cœur, oui, et superbement ; mais la voix des hiboux, c’est à l’âme qu’elle parle. Elle nous fait penser, la belle voix des hiboux, à ceux que nous avons perdus, que nous n’avons peut-être pas assez aimés ; elle nous dit qu’il faut devenir meilleurs, que nous devons être bons quand même, malgré tout.

Or, ils apportèrent donc, ce matin-là, avec leurs haches, des pioches, des pelles et des merlins, afin de construire leurs maisons. Aussi la forêt n’eut pas, de toute la journée, les échos des jours précédents, échos gais ou plaintifs, mais toujours évoqueurs de souvenirs. La terre ne trembla point à la chute d’un géant. Aucun renard ne fut dérangé de son terrier ; aucun sanglier ne se précipita épouvanté de sa bauge. De loin, la forêt, si pleine de vie hier encore, paraissait morte. En se rapprochant, mais vers le milieu seulement, au plus épais de la belle cinquantenaire, on n’entendait que le bruit vague des bûcherons qui bâtissaient. Sur le soir, comme la nuit allait bientôt venir, la nuit profonde des bois, douze habitations s’élevaient là, dans une superficie de cent mètres carrés à peine, où se voyaient encore des arbres le matin.

Vous le comprenez alors, rien de plus simple à construire qu’une maison de bûcherons. Du reste, dans la forêt, il y a tout ce qu’il faut pour cela : des arbres, des feuilles, de la terre, de la mousse et de l’eau, c’est plus que suffisant, si l’on ajoute, ensuite, des pierres, que l’on roule tout autour et au pied des maisons, une fois construites, pour les consolider, lorsqu’il n’a pas été possible d’utiliser des arbres non coupés, ce qui arrive assez rarement.

Toutes les habitations sont bâties sur le même modèle ; il n’y a que celle du maire qui est environ trois fois plus spacieuse que les autres, car c’est dans celle-là que les bûcherons se réunissent, le soir, se tassant l’un contre l’autre, pour jouer aux cartes ou aux dés, sur une pierre, à la lueur d’un feu toujours fait de branches mortes. L’enjeu ne dépasse jamais une pipe de tabac ou un verre de piquette, car ils boivent de la piquette, en soupant, quand ils couchent dans les bois ; mais il arrive que l’enjeu ne soit que d’un demi-verre ou d’une demi-pipe, car les bûcherons sont pauvres, vous le savez ; néanmoins, ils ne s’en plaignent pas trop, et ce n’est pas cela qui les « empêche d’abattre des arbres ». Quand la veillée est finie, chacun regagne sa hutte et se couche sur le tas de feuilles sèches, recouvert d’une toile d’emballage.

Deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, un panier au bras ou sur la tête, une cruche ou un bidon à la main, les femmes, les mères ou les sœurs des hommes des bois, leur portent leurs provisions. Dans la cruche ou le bidon, il y a toujours de la piquette ; dans le panier, il y a d’abord une miche de pain, puis des fruits, du fromage, du lard et des saucisses. Saucisses, lard et piquette sont pour le repas du soir et du matin, invariablement ; à midi, ils ne mangent que du pain et des fruits ; s’ils ont soif, ils vont boire à la source ; quand elle est trop éloignée, l’un d’eux va chercher de l’eau dans une cruche.

Tous les quinze jours ou toutes les trois semaines, les bûcherons rentrent au village, le dimanche, et font un brin la fête, mangent le bouilli, la soupe chaude, et boivent une chopine de vin ; l’après-midi, ils font des parties de quilles, pour se reposer. Et les voilà ainsi pour toute la campagne, cinq mois environ. Chaque année, ils font deux ou trois campagnes. Mais celle-ci est dure pour eux, car ils gagnent deux sous de moins, par jour, que dans toutes les précédentes, ayant été obligés de consentir à cette réduction, la commune étant pauvre, elle aussi, et cette coupe-là devant être vendue pour la construction d’une école ; or, ils n’ont pas voulu attendre plus longtemps d’en avoir une, eux, les fiers et rudes abatteurs d’arbres, afin que leurs enfants, ou leurs frères et sœurs ne fassent plus, surtout l’hiver, près de quatre kilomètres de chemin, dans des sentiers impossibles, pour aller apprendre à lire et à compter.

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6 janvier 2025 1 06 /01 /janvier /2025 10:42
( 07 ) La rétro  de 2019
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2012 ; La page ;                 L'hiver s'installe

 

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