Durant la campagne de 2012, François Hollande expliquait volontiers qu'un président qui échoue sur le front du chômage ne devrait même pas oser demander un nouveau bail à ses concitoyens. Depuis, il a nuancé son propos en faisant mine de découvrir la différence entre un stock et un flux. L'objectif, le seul qui vaille désormais à ses yeux, c'est la simple inversion d'une courbe qui n'a cessé de grimper au fil des mois. Promise pour la rentrée 2013, annoncée pour janvier 2014 puis renvoyée faute de mieux à des jours meilleurs, la dite inversion devrait être atteinte, en bonne logique, dans le courant de l'année 2016. Juste au moment où François Hollande devra dire s'il remonte ou non au front avec l'espoir d'un nouveau mandat. Heureuse coïncidence pour un président qui croit tant à la chance et répète à l'envi que «rien ne se passe jamais comme prévu»!
Il y a dans cette histoire, un condensé du hollandisme présidentiel. Optimisme et relativisme sur fond d'habileté sémantique. Pas de vrais mensonges mais de petits arrangements avec la vérité. Pas de franche trahison mais des adaptations permanentes qui ruinent l'idée même de la ligne droite dès lors que les tournants - ou soit disant tels - se succèdent au même rythme que ces «pactes» que l'on propose aux Français comme autant de recettes anti-crise. François Hollande a une vision de la vie, politique ou économique, qui est d'abord celle de son tempérament. Avec lui, tout est affaire de cycle. Après la pluie, le beau temps. Après les semailles, la moisson. Après la récession, la croissance. Après l'effort, le réconfort.
Quand on l'interrogeait durant sa campagne présidentielle, sur la viabilité de son projet, il répondait qu'il connaissait mieux que quiconque la situation du pays, l'ampleur des déficits et la profondeurs de la dette laissée par Nicolas Sarkozy mais que, précisément, c'est cette lucidité qui lui permettait de ne pas promettre la lune et même de réviser à la baisse les objectifs affichés par le pouvoir sortant. Au fond, le candidat annonçait déjà le président, avec des mots qui claquent - «le changement, c'est maintenant»- et des promesses a minima, calées sur des objectifs de croissance sans lesquels, alors, plus rien n'était possible.
La faute initiale de François Hollande - celle qui explique toute la suite - est là et nul part ailleurs. Plutôt que d'avancer, il a choisi d'attendre. Plutôt que de réformer au plus vite, il a préféré combler des trous dans l'urgence. Plutôt que de changer, il s'est convaincu qu'il valait mieux patienter jusqu'à ce que ciel vire au bleu. Le scenario de son quinquennat s'en soit trouvé chamboulé sans qu’à l’Élysée, on imagine un seul instant devoir changer de boussole. Quand on racontera plus tard l'histoire de cette étonnante aventure, c'est ce décalage constant entre la réalité et les ambitions affichées qu'il faudra analyser pour mieux comprendre le décrochage d'une opinion déçue alors même qu'elle avait appris à ne plus rien rêver.
« Hollande dit souvent qu'il « s'accroche ». Son art est plutôt de se faufiler. »
C'est un joueur de contre qu'on ne lit qu'après coup et qui d'ailleurs ne demande à être jugé qu'à la fin de la partie. Cette illisibilité assumée peut, à la rigueur, avoir une forme d'efficacité sur le plan strictement politique. C'est d'ailleurs ce qui fait le mystère du rendez-vous de 2017. La présidence Hollande a, de ce point de vue, un caractère anormal alors qu'on découvre que celui qui l'incarne l'est sans doute un peu trop.
Curieuse manière de faire et d'agir! François Hollande déteste les ruptures et pourtant, il les multiplie tant sur le plan privé que politique. Sa recherche constante est celle de l'équilibre alors que l'instabilité préserve à chaque instant son goût de la liberté. Le changement, avec lui, depuis que l'essentiel a été fait, le 6 mai 2012, n'est pas un choix assumé mais la réponse, un brin fataliste, à un champ de contraintes, comme on a pu le voir en janvier 2014 lorsqu'il a bien fallu admettre que pour doper une croissance en berne, il n'y avait pas d'autre voie que celle de l'entreprise et de l'investissement.
François Hollande construit en avançant par touches successives. L'architecture n'est pas son fort.
Il avance en roulant. Cette gymnastique est son talent. Il croit que c'est le trouble qui rassure et le clair qui inquiète. C'est un psychologue paradoxal. Il pense qu'au bout de trois ans dans un mandat qui en compte cinq, il a enfin posé une ligne cohérente qui justifie la reconduction de son bail, à l'Élysée. C'est un président horloger d'un genre inusité qui accumule les retards pour arriver à l'heure.
La chronique d’un changement qui avance plutôt en roulant, il est vrai que ce quinquennat n’aura été que le reflet du personnage qui s’accroche en se faufilant avec pour objectif 2016………..
Qui vivra verra
#Les pronostics sur l’avenir sont toujours vains. La seule manière de savoir ce qui se passera dans quelques années, c’est d’être alors encore en vie.