L’ère des touche-à-tout
Sommes-nous en train de basculer de l'ère du « core business » à celle des « toutologues » ? D'un monde dans lequel la stratégie gagnante consistait à se concentrer sur son cœur de métier à un autre, dans lequel l'avenir appartiendra à des groupes tentaculaires offrant de plus en plus de services ? Amazon en est persuadé. Le cyberlibraire, devenu le plus grand centre commercial de la planète, pousse ainsi sans cesse plus loin sa diversification. Livraison dans l'heure de courses alimentaires, service musical ou vidéo, appareils électroniques... La liste des concurrents d'Amazon s'élargit. Après la Fnac, ce sont maintenant Carrefour, Deezer, Canal, La Poste, Sony et bien d'autres qui tremblent face à l'appétit du géant de Seattle. Inspirés par Amazon, d'autres basculent dans la mode du « touche-à-tout ». Certes, cela fait des années que les banques vendent des services d'assurance ou que les constructeurs automobiles proposent des crédits. Mais la révolution technologique qui rebat les cartes dans bien des industries en abaissant les barrières à l'entrée et, en offrant l'occasion d'un nouveau départ, pousse les entreprises à accélérer leur diversification. Dans les télécoms et l'audiovisuel, la tentation est désormais de faire le métier de l'autre. SFR veut concurrencer Canal en se lançant dans la production de contenus et l'achat de droits. Et Vivendi cherche à monter en puissance aussi bien dans la télévision, avec Canal et Mediaset, que dans les télécoms avec Telecom Italia aujourd'hui et peut-être Orange demain. Quant à Orange, l'entreprise dirigée par Stéphane Richard n'exclut pas de racheter Canal et se donne les moyens, avec Orange Bank, de s'affirmer comme un acteur de poids dans la banque. Cette boulimie peut se comprendre. Lorsque, sur des marchés matures, il devient difficile de grossir de façon rentable dans son activité de base, la tentation est grande de chercher à maximiser ses revenus en vendant un service de plus à un client déjà conquis. Cette stratégie pourrait cependant s'avérer doublement risquée. En se diversifiant à outrance, une entreprise court d'abord le risque d'être moins performante sur son métier historique. Ensuite, pour s'imposer sur l'activité d'autres acteurs, les nouveaux venus commencent souvent par casser les prix sur un créneau relativement marginal pour eux. Si chacun marche sur les plates-bandes de l'autre en acceptant d'être peu rentable, l'histoire risque de se terminer par une terrible guerre des prix destructrice pour tous les acteurs. Mais peut-être pas pour le consommateur.
Par .....@DavidBarroux