Dans la perche on ne rigole pas
Une vraie histoire plus que çà c’est de la passion " le boudin ! "
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Il faut parfois regoûter quatre fois le même boudin pour départager les meilleurs de la table.
Du coup ayant appris l'effervécence qu'il reigne chaque année pour cette passion J’ai fait le détour pour être présent au cœur du concours du meilleur boudin de Mortagne-au-Perche
Ce Jeudi 13 mars 2025, un jury de plus de 100 personnes a commencé à goûter les boudins du grand concours de Mortagne-au-Perche (Orne). Un exercice plus sérieux qu'il n'y parait.
Ils sont une centaine dans la salle du Carré du Perche. Vingt tables, une fine nappe en papier qui ne reste jamais blanche bien longtemps, et une centaine de « jurats », ces professionnels ou novices qui composent le jury. Un jury qui vote durant deux jours pour le meilleur boudin, les 14 et 15 mars au Carré du Perche de Mortagne-au-Perche (Orne). « Oui, on parle de jurat dans notre terminologie des confréries ». Toujours à l’affût, Jean-Claude Gotteri, Grand maître de la Confrérie des chevaliers du Goûte boudin en est à son 40e concours.
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Les boudins allemands ont leur propre table
Pour les non-initiés, le concours peut paraître accessoire ou futile. Mais il est loin d’être anodin. « Une fois sur un concours, un charcutier est venu me trouver, me disant que c’était à cause de moi qu’il n’avait pas eu la médaille d’or. Il était très remonté. Mais quand on goûte, c’est toujours à l’aveugle. » Marc Morin en rigole. Celui qui travaille pour la Corpo, une société spécialisée dans les fournitures de bouchers et de charcutiers notamment, est un habitué des concours. Il est venu plus de vingt fois à Mortagne.
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La salle du Carré du Perche était bien remplie pour ce premier jour de concours.
Ici, c’est sans doute le plus important de France. En volume déjà. Avoir 400 ou 500 candidats, c’est énorme. Et surtout c’est une organisation exceptionnelle. Chaque table vote pour ses meilleurs boudins, en fonction des zones géographiques définies. Le lendemain, on garde les meilleurs de chaque table pour décerner les prix. Mais celui qui gagne ici, ce n’est jamais un hasard.
Marc Morin, jurat depuis plus de 20 ans "Gagner à Mortagne " , ce serait même l’assurance de voir ses ventes de boudin décoller de 40 % l’année suivante.
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(Toujours se rincer la bouche avant d’attaquer une nouvelle dégustation. ) Parmi les jurats, on trouve donc des professionnels de la restauration, mais aucun boucher ou charcutier en exercice. Le règlement l’interdit. À la table de Marc Morin, Dominique est lui aussi un habitué. Le concours, c’est pour lui l’occasion d’ouvrir la boîte à souvenir.
Quand j’étais gamin à Mortagne, j’étais placé dans une famille qui n’avait pas beaucoup d’argent. Ils avaient droit à des bons pour manger. Le jeudi, on avait parfois la chance d’aller prendre une andouillette chez Batrel, au Roi du Boudin. Et c’était… (il lève les bras au ciel,). C’était merveilleux Ça et son boudin. Même 50 ans après, on n’oublie pas le goût. Et parfois quand on tombe sur un excellent boudin au concours, on se souvient de Maurice Batrel.
Dominique, un jurat de Mortagne-au-Perche
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Entre 10 et 20 boudins sont proposés à chaque jurat, sur une même table.
classés par " Par régions "
Plus loin dans la salle, de petits drapeaux allemands flottent. C’est une autre nation forte du boudin. Bernadette Mousset, Dominique Naslin et Grégoire Ferré sont à la notation. Là aussi, il faut analyser la présentation, l’aspect du boyau, de la coupe notamment. Puis la cuisson, le goût et les saveurs. « Avec les Allemands, c’est différent du boudin de chez nous. Ça ressemble plus à de la galantine », soulève Grégoire Ferré, en redemandant du cidre… le sien, bien sûr.
S’il ne s’agit pas d’être méchant, il faut quand même être franc dans la notation. « C’est rare d’avoir du très mauvais, mais parfois… Tenez, goûtez ça », nous lance Marc Morin.
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On confirme, un charcutier a dû mettre toute la salière dans sa marmite. « C’est un concours ici, pas un examen. Le pire, c’est de surcoter ou sous-coter le premier boudin que l’on mange. » Évidemment, pour ne pas mélanger un boudin traditionnel breton et un boudin fait à la méthode antillaise, les classements se font par zone. « Sinon, le palais ne suit pas», rigole Jean-Michel, qui habite à deux pas du Carré du Perche.
Un terroir à conserver
Marc Quérolle, maire de Pervenchères, est aussi un spécialise du boudin.
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Près des magnifiques trophées qui seront décernés le vendredi 14 mars 2025, David, 49 ans, prend la chose très au sérieux. « Les confréries, c’est le terroir de la France. C’est une chose très importante à conserver. » Avec son papa André, ce Mortagnais de naissance a terminé de voter avec sa table.
« J’ai pris des congés pour être jurat au concours. J’habite désormais en Sologne. Mais c’est l’appel du boudin, on ne peut pas y couper. » Avec un membre de la (Les trophées attendent déjà les lauréats du cru 2025.) confrérie des rillettes sarthoises, ainsi qu’une autre jurat à leur table, ils ont choisi de garder trois boudins qui sortaient du lot.
C'est quoi un bon boudin ?
Mais alors comment juger d’un bon boudin ? Il faut souligner qu’à Mortagne, il est dégusté froid, pour des questions de logistiques. « Ça demande une cuisson parfaite, notamment des oignons », relève l’expérimenté Marc Morin. Et à la découpe, on remarque que certains oignons sont sur la partie basse de la rondelle. « Ah ça, il a oublié de retourner le boudin, dommage », scande la table, unanime. Oui, le boudin, composé d’un tiers de sang, un tiers d’oignons et un tiers de gras, doit être retourné quand il refroidit. Sinon le gras et les oignons, plus lourds, descendent avant que le sang ne fige l’ensemble.
« Le boudin n’est pas un produit uniforme. La composition est la même, mais chaque charcutier y met sa patte, son sel, ses épices. La cuisson joue un rôle important », lance encore celui qui a grandi dans le monde de la charcuterie. Il remet le nez dans ses fiches pour accueillir l’assiette suivante. Il fixe le boudin brillant avec insistance : « Oh, celui-là, il a une belle tête de vainqueur »
À la table de Marc Morin, c’est plus compliqué. « On a dû goûter quatre fois notre sélection des trois meilleurs, car on n’arrive pas à se décider. » Finalement les votes s’accordent enfin sur un boudin bien équilibré. Un dernier verre de cidre ou de vin rouge pour faire digérer le tout.
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« Tu reviens demain ? » Lance Dominique à son voisin d’en face. « Normalement oui, je suis inscrit. » Le concours reprend à 15 h vendredi 14 mars. Un jury plus restreint se formera en fin de journée pour élire le meilleur dans chaque catégorie.
La catégorie créative, avec notamment les boudins sucrés et salés, fera son entrée, pour des associations de saveur parfois inédites. « Demain, on va encore voir de grandes choses », prévient Jean-Claude Gotteri.
(David et son père André (à droite) se retrouvent au concours, en famille)
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Marc Morin, ici à gauche, traine déjà 20 concours dans ses carnets. Il est l’un des jurats les plus expérimentés du concours.