Tant que le noyau dure …
Quand chanterons-nous le temps des cerises, le gai rossignol, le merle moqueur … ? La chanson de Jean Baptiste Clément, écrite en 1866 et donc précédant la commune et son effroyable massacre, s'interroge et renvoie dans leurs cordes ceux qui voulaient y voir une chanson politique.
Pourrons-nous chanter encore très longtemps cette belle mélodie ? Irons-nous toujours cueillir en rêvant des pendants d'oreilles ? Qui d'ailleurs comprend encore qu'il s'agit de faire ici des boucles d'oreilles avec deux belles cerises reliées l'une à l'autre ? Cette année, dans nos jardins, les abeilles se sont montrées bien discrètes autour de nos cerisiers en fleurs. Le risque est grand que progressivement la pollinisation ne se fasse plus ; les apprentis sorciers des pesticides et autres produits chimiques n'ont jamais goûté à la poésie.
Le printemps est maussade, les belles n'auront plus la folie en tête en tenue légère. Il faut prévoir le ciré et parfois la petite laine. Le dérèglement climatique s'amuse à nous chambouler nos repères. Nous sommes les premiers témoins d'une catastrophe à venir, provoquée par notre folie dévastatrice ; le premier grand cataclysme planétaire qui ne prendra pas au dépourvu les humains. Ils savaient mais ont tout fait pour feindre de ne pas croire, de ne pas penser que la catastrophe sera inévitable.
C'est la dernière peine cruelle qu'il nous faudra supporter. Les dernières cerises seront aigres, leurs noyaux impossibles à croquer. La fin du printemps et des temps humains ouvrira à jamais une douleur éternelle. Il n'y aura plus dans le ciel ni rossignol ni merle ni autres oiseaux. Il aurait fallu écouter leurs collègues, les mauvais augures qui étaient pourtant si proches de la réalité.
Les cerises, ces merveilleux fruits juteux, ces perles de sucre et de couleur sont en passe de disparaître. Nos vergers seront rasés ; la main-d'œuvre est trop coûteuse, les arboriculteurs leur préfèrent les noisetiers dont le ramassage est mécanique. Cette seule réalité démontre que nous marchons sur la tête. Pire encore, quand des enfants viennent voler ce fruit qui leur fait tant envie, ils arrachent une branche, désormais incapables de comprendre qu'ils brisent ainsi un arbre et des promesses de récoltes futures.
Alors, qu'une telle société disparaisse n'est finalement que très normal. J'en rajoute forcément un peu mais pas tant que ça. Quand on ne respecte plus rien, que tout se mesure en terme de rentabilité et de profit à court terme, que la santé, la nature, les animaux, les saisons doivent tous se plier au seul désir des humains, la fin des haricots sera aussi celle des cerises.
C’était le temps des cerises............