Réflexion ; " Ce serait mieux avec la lenteur

La modernité a mis en valeur la vitesse : il faut être performant, efficace, rapide dans le travail...On a enchanté la vitesse alors que la lenteur était souvent associée à la paresse, l'indolence, la fainéantise, la luxure... la lenteur est même devenue un vice...On se souvient de ces images célèbres au début du film de Charlie Chaplin, Les temps modernes : l'univers de l'usine est bien évoqué avec ses cadences infernales, la mécanisation de l'homme, conditionné pour travailler le plus rapidement possible : le travail aliène l'individu, transforme l'homme en une machine, car on lui demande toujours plus de rendements et d'efficacité. La modernité nous a imposé la vitesse, nous a poussés à accepter le modèle d'une société performante, accélérée, efficace...
La modernité a fait la guerre aux lents... elle les a écrasés...C'est Paul Lafargue qui s'attache à décrire les conditions de travail particulièrement difficiles de la classe ouvrière dans l'Europe capitaliste du xIxe siècle. Il dénonce l'influence néfaste du progrès technique qui pourrait être bénéfique, si le temps de travail était amoindri. Le machinisme selon lui devrait aboutir à une diminution du temps de travail, jusqu'à des journées de travail de trois heures. Mais, c'est l'inverse qui se produit. Et, de fait, nous avons tous tendance à jouer le jeu de cette société de la performance... Le temps que nous consacrons au travail s’allonge sous l’effet des réformes et s’intensifie avec les restructurations. Ne convient-il pas de remettre en question cette valorisation de la vitesse ? Ne convient-il pas de réhabiliter la lenteur ? C'est la lenteur qui nous permet de mieux accomplir les tâches imposées par le travail... c'est la lenteur qui préside au travail bien fait...C'est au rythme de la marche que nous pouvons apprécier un paysage, en percevoir toutes les beautés et les harmonies...La lenteur nous permet de nous reconnecter avec l'univers...Elle est même source de beauté, comme l'écrit si bien Sylvain Tesson : "Un attelage de chevaux chiliens parcourt les allées du domaine d'Almaviva dans la vallée de Maipo. Les cueilleurs soupèsent les grappes, coupent les meilleures, en laissent d'autres sur pied. Le temps est suspendu, la poussière levée par la voiture retombe. Pourquoi tout est beau ? Parce que tout est lent..." Changer de rythme, ce serait retrouver plus d'harmonie et de douceur dans nos vies. Mais on ne nous en laisse plus l'opportunité ni la possibilité.