Transformer le corps humain en compost,
"une alternative aux funérailles classiques"
L’État de Washington vient de légaliser le compost humain. En France, ils sont nombreux à souhaiter ce retour à la terre littéral après leur mort.

Et si l’on faisait don de notre corps à la terre une fois notre heure venue ? De plus en plus de voix en France et en Belgique réclament de faire de leur dépouille… du compost. Interdite par la loi chez nous, cette forme alternative de funérailles dite du compost humain, de recomposition ou d’humusation, va devenir légale dans l’État de Washington où le gouverneur Jay Inslee vient de signer un texte de loi. Ce démocrate lancé dans la course à l’investiture pour les prochaines présidentielles voit dans cette méthode « un effort réfléchi pour réduire notre empreinte environnementale ».
Permettre des obsèques 100 % écolos, c’est aussi le principal argument des défenseurs de l’humusation en France. « À ce jour, on a le choix entre du béton et du plastique si l’on opte pour un enterrement ou émettre énormément de CO2 en cas de crémation, résume Robert Morez, fondateur des cahiers de l’agroécologie qui milite depuis des années pour la légalisation de cette pratique. Sans parler de toute la chimie qui sert à l’embaumement et qui va ensuite polluer les cours d’eau. »
Ce spécialiste de l’agriculture raisonnée plaisante : « J’ai 84 ans et je ne pourrai pas profiter de ce mode de sépulture en France de mon vivant si je puis dire ». En attendant, celui qui multiplie les conférences a participé à la rédaction d’un ouvrage sur le sujet et lancé une pétition en ligne estime que « le pouvoir est très en retard sur l’opinion publique. De plus en plus de municipalités et de citoyens le réclament. »
«Il y a 50 ans, la crémation semblait une hérésie»
Concrètement, les cadavres seraient déposés hors sol et recouverts de copeaux de bois sur des terrains réservés où des « humusateurs » professionnels s’occuperaient de chacun des « petits talus ». Mais la décomposition d’un corps humain produit-elle un humus de bonne qualité ? « Il fait un excellent terreau. Le corps remplace le fumier pour la part azotée. Si l’on évite la viande dans nos composteurs domestiques, c’est par peur des prédateurs », assure Robert Morez, en technicien décomplexé.

La famille au cœur bien accroché pourrait après un an récupérer environ un mètre cube de terreau pour fertiliser son jardin. La technique a été testée avec des dépouilles de porcs en Belgique et des corps humains aux États-Unis. Dans ce pays, l’entreprise Recompose prévoit de construire un premier centre. Chaque prestation coûtera tout de même environ 5 000 dollars (4 400 euros) ! Les partisans français et belges imaginent, eux, des solutions moins coûteuses, autour de 2000 euros. L’humusation serait moins chère qu’une inhumation ou une crémation classique, car elle permet d’économiser le cercueil et les frais de concession.
Farfelue ? « Il y a cinquante ans, la crémation semblait une hérésie. Aujourd’hui, elle a dépassé l’inhumation dans les souhaits des vivants, note Tanguy Chatel », sociologue spécialiste du funéraire qui ne croit pour autant pas à un raz de marée. « L’idée de pourrissement des corps va constituer un frein, analyse le spécialiste. Retourner à la terre, c’est romantique dans l’idée, mais pas tant que ça quand on pense décomposition. »
Que dit la loi ?
En France, seuls deux modes de sépulture sont autorisés : l’inhumation et la crémation. Sollicité par une sénatrice en 2016 sur la question de l’humusation, le ministère de l’Intérieur avait considéré que la pratique « posait des questions de compatibilité avec le Code civil ». Le texte indique que les restes des personnes décédées doivent être traitées avec « respect, dignité et décence ».
En Wallonie, les militants du compost humain ont obtenu en 2014 une avancée subtile. Dans le Code local, qui ne mentionnait que l’inhumation ou la crémation, ils ont obtenu l’ajout de point de suspension.