Testament numérique
Si vous deviez mourir demain, qu’aimeriez-vous qu’il advienne de vos données personnelles ? La question peut sembler bête, mais après quelques minutes de questionnement, on se rend compte qu’elle mérite amplement la réflexion. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a décidé de mettre la « mort numérique » à son programme en 2014.
Quelle vie en ligne après votre mort ?
D’un côté, il y a des tombes, fleuries désormais d’un discret QR code (code à scanner avec un téléphone portable pour accéder à un site), promettant un accès à un album souvenir ou un texte choisi par le défunt. Et, alors que les cimetières relèvent du service public, ces systèmes appartiennent à des entreprises privées, dont rien ne garantit qu’elles assureront longuement leur service. Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, demandait ainsi au ministre de l’intérieur quelles étaient les réglementations en vigueur concernant ces épitaphes numériques. Question restée pour l’instant lettre morte.Il y a également toutes les traces numériques que l’on laisse derrière soi. Qui n’a pas été ému, voire choqué, par les suggestions de Twitter ou de Facebook d’interagir avec le compte d’un ancien collègue ou d’un proche que l’on sait pourtant décédé ? « C’est la jungle totale. Les concepteurs de ces réseaux, au démarrage de leur service, ne réfléchissent pas une seconde au fait que leurs utilisateurs vont mourir », explique Tristan Mendès-France, blogueur historique et enseignant au Celsa. Il se souvient d’ailleurs avoir été le premier à interpeller Twitter sur la question en 2009. Que faire en cas de décès d’un utilisateur ? L’entreprise américaine lui répond que si le cas se produisait, ils exigeraient des preuves de mort et d’identité des héritiers pour désactiver le compte. Mises à jour depuis, les conditions d’utilisation signalent qu’en aucun cas ils ne donneraient accès au compte à d’autres personnes que son propriétaire. La seule solution est donc la désactivation.Sur Facebook, les proches ont la possibilité de transformer la page en une page mémorielle. Cette adaptation permet d’éviter au compte d’apparaître de manière peu convenante. Et permet aux autres utilisateurs de déposer des messages et de perpétuer des traditions millénaires en laissant la page devenir une sépulture virtuelle.La CNIL explique recevoir régulièrement des demandes de familles réclamant un droit d’accès ou de suppression des données de la personne décédée, qui ne sont pourtant pas prévues par la loi. M. Mendès-France, qui s’est penché sur cette question de « mort numérique », annonce de son côté avoir confié le mot de passe de son trousseau à deux amis proches. « Leur nom est indiqué sur un papier à côté de mon ordinateur. Ce seront eux qui pourront alors décider de ce qu’ils veulent faire. » Il conseille de penser à laisser un testament numérique.
Et le testament numérique ne cesse de s’allonger. Les services auxquels on se connecte se multiplient, de même que les contenus. Qui s’assurera que le nom de domaine de votre site est maintenu ? Que doivent faire les exécuteurs testamentaires ? Fermer les comptes ou les maintenir ? La disparition totale ou l’immortalité numérique ? La CNIL promet d’ouvrir le débat cette année.