Pour un morceau de beurre...
En 2012, un retraité du régime général percevait en moyenne 1040.euros brut par mois et bon nombre d’entre eux, commerçants, ouvriers agricoles, artisans…, moins de 600.euros, 37% en dessous du seuil de pauvreté. C’est peu, direz-vous. Certes. Mais un retraité, ça a peu de frais. Plus besoin de s’habiller pour aller travailler. Pas, ou si peu, de frais de transport d’autant que la marche à pied lui est salutaire. Ça sort très peu, plus de concerts : les idoles de sa jeunesse ont disparu ; plus de cinéma : les films d’aujourd’hui sont si bruyants qu’il préfère le calme des séries de FR3. Plus beaucoup d’appétit : une soupe, un morceau de fromage lui fournissent bien assez d’énergie pour ses rares activités quotidiennes. Pas de vacances non plus : il est en congé toute l’année d’autant que les loyers urbains étant devenus trop chers à son goût, il choisit de partir vivre loin du stress dans quelque campagne perdue pour des vacances perpétuelles. La télé connectée, l’ordinateur, internet, les téléphones à tout faire, très peu pour lui : il n’y comprend rien et tant mieux, c’est autant d’économisé. De plus, il ne risque pas le chômage ou la faillite, il est le seul à bénéficier d’un salaire tous les mois et sans rien faire qui plus est. Bref, un retraité, ça ne dépense rien, ça ne consomme pas, ça ne contribue donc pas à créer de la richesse comme disent ceux qui chaque matin consultent les cours de la bourse.
Lui, croyait naïvement que ce qu’on lui avait prélevé tous les mois sur son salaire pendant quarante ans c’était de l’argent qu’on lui mettait de côté pour ses vieux jours, une sorte d’assurance survie et aujourd’hui, même s’il ne comprend pas pourquoi, il culpabilise un peu quand des messieurs sérieux qui doivent en savoir bien plus que lui, lui disent qu’il coûte cher, trop cher à ses petits-enfants. Ça, ça lui fait mal, il les aime ses petits-enfants alors, il irait bien manifester pour protester, dire que ce n’est pas vrai, qu’il s’est sacrifié toute sa vie pour que ses enfants aient une vie meilleure que la sienne mais à quoi bon : il n’est ni fonctionnaire, ni camionneur pas même employé des transports en commun, bref, il n’a personne à prendre en otage comme disent les media ; alors il peut bien descendre dans la rue, tout le monde s’en fout.
Et puis, enfin, il sait pertinemment qu’il n’est plus là pour très longtemps et s’il est honnête, il doit bien comprendre que personne n’aurait l’idée absurde d’investir dans une entité condamnée à un dépôt de bilan imminent. Alors, quelques euros de moins ne changent pas grand-chose à sa vie ; tout au plus devra-t-il ne plus mettre de beurre dans sa soupe. Un morceau de beurre en moins, l’effort est si dérisoire que c’est bien le moins qu’il puisse faire pour sauver l’économie du pays.