La complainte des profs a des limites
Les professeurs ont défilé nombreux, ce jeudi, dans les rues de Paris, fragilisant le ministre de l’Éducation nationale qui avait pourtant traversé le quinquennat Macron sans dommages au point de faire figure de recours aux fonctions de Premier ministre. Ce jeudi soir, Jean-Michel Blanquer recevait les syndicats de professeurs sous la houlette du Premier ministre Jean Castex, comme un élève auprès du maître. Un exercice d’humilité après une journée où les manifestants et les syndicats ne l’ont pas épargné. Ras le bol, entend-on, trop c’est trop !
Certes, la gestion du Covid s’est apparentée davantage à une non-gestion ministérielle qu’à une politique ordonnée. Les établissements ont été livrés à eux-mêmes, pris dans les consignes ubuesques et les changements de pied. Certes, la situation des professeurs en France n’est pas facile. Le corps professoral, comme celui des forces de l’ordre par exemple, est prié de gérer les conséquences sur les enfants et jeunes adultes des politiques délétères qui ont démoli les piliers de la société. Gérer des classes irrespectueuses où tout ou partie ne sait ni lire, ni écrire, ni même parfois parler le français, sans même évoquer les autres apprentissages, n’a rien d’une sinécure. Et le Covid reste un poids très lourd, deux ans après le début de la pandémie.
Mais la complainte du professeur français a des limites. Le poids de la pandémie pèse sur toutes les professions ou presque. La profession dispose des vacances scolaires, ce qui n’est pas un mince avantage. Enfin, nos profs sont-ils si mal payés ? On compare souvent leur rémunération avec celle des professeurs allemands, nos voisins, sans souligner que l’Allemagne est le pays de l’OCDE qui rémunère le mieux ses enseignants. En réalité, le salaire des profs de France (de 38.000 à 47.000 euros annuels) est supérieur à la moyenne de leurs homologues des pays de l’OCDE (de 35.000 à 45.000 euros). Par ailleurs, l’Allemagne compte plus d’élèves que la France (la différence atteint 9 %, selon l’iFRAP) et moins de professeurs (750.000 profs en Allemagne, 860.000 en France). Comment font nos voisins ? La France compte bien trop d’enseignants dévolus à des tâches administratives diverses autres que celles de l’enseignement. C’est pareil à l’hôpital. Cette maladie chronique est bien connue des Français, c’est l’« administrationnite ». Par ailleurs, les professeurs allemands travaillent davantage : 40 semaines par an, contre 36 semaines en France sur 52 ! soit 26 semaines de vacances ! !. La conséquence d’une autre maladie française qu’on pourrait appeler la « loisirite ». Ces deux maladies ajoutées au Covid et à la gestion approximative du ministre provoquent deux symptômes eux aussi très français : la manifestation et la demande d’argent public dans un pays exsangue qui veut tout gérer de Paris mais bute sur la moindre réforme. Jusqu’à quand ?