Quand l’urinoir se féminise
. Des créatrices ont pris le pouvoir sur l’urinoir en créant son pendant féminin. Des toilettes sèches, colorées et ergonomiques qui permettent à leurs utilisatrices de ne toucher à rien.
On les appelle les petits coins, les cabinets, les W-C, les toilettes ou les latrines, mais quel que soit le vocable, ces lieux d’aisance n’ont guère évolué depuis 1775, date d’un brevet pour système avec chasse d’eau, déposé par l’Ecossais Alexander Cumming. Voilà qu’avec de premiers urinoirs pour femmes la France a commencé depuis quelques mois une révolution des formes et… des usages.
Derrière ces toilettes sèches se cachent deux créatrices aux parcours très différents. Il y a Louise Raguet, étudiante à L’Ecole nationale supérieure de création industrielle - Les Ateliers, qui pour son diplôme obtenu en 2019, conçoit l’urinoir Marcelle, permettant aux filles d’uriner en position squat, soit semi-accroupie comme dans la nature. Cette jeune chercheuse en biologie reconvertie dans le design, âgée aujourd’hui de 31 ans, veut allier combat féministe et écologie, « questionner le fonctionnement des toilettes actuelles avec leurs files d’attente interminables côté dames et permettre le recyclage des urines au féminin, ce qui n’était pas envisagé jusqu’ici ».
A peine diplômée, elle reçoit des propositions et la voilà qui vend ses premières créations, qui seront notamment installées dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, transformé temporairement en lieu de partage dit Les Grands Voisins.
Il y a aussi Nathalie des Isnards, 48 ans, ex-directrice des ressources humaines dans l’industrie, qui fonde en 2017 la start-up malicieusement baptisée madamePee (de l’anglais to pee, « uriner »), autour d’une « urinoire féminine » qu’elle brevette l’année suivante. « L’idée m’en est venue en tant qu’usagère », assure-t-elle. Dès le départ, elle s’entoure de designers, mais aussi d’ergonomes et de sociologues car « sur ce sujet intime, la parole n’est pas aisée, il faut faire s’exprimer les réels besoins des femmes ». On convient aussi de féminiser le nom du produit mis au point, « parce que la définition de l’urinoir, dans les dictionnaires, ne se réfère qu’aux hommes », précise l’énergique auto entrepreneuse.