Dans la catégorie " Remèdes oubliés "
La Mousse de Corse :
(D’après « Revue d’histoire de la pharmacie », paru en 1951 et 1955)
Se récoltant en raclant les roches des côtes provençales mais également de Corse, de Sardaigne et de Sicile, la mousse de Corse, Alsidium helminthocorton, ou mousse de mer, fut l’objet d’un engouement à la fin du XVIIIe siècle, ses propriétés vermifuges lui valant un article inséré au sein de la Gazette de la Santé et d’élogieux prospectus publicitaires
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La manière de collecter cette algue faisait que le produit commercial était constitué par un mélange de quelque 20 espèces différentes additionnées de conserves et de lichens. D’après de Candolle, qui en pratiqua un examen approfondi, la meilleure qualité, celle qui venait d’Ajaccio, ne contenait encore qu’un tiers de véritable fucus, Fée accordant quant à lui une moitié.
L’emploi de la mousse de Corse est fort ancien en Grèce ; certains passages de Théophraste et de Dioscoride indiquent son emploi médical, et le muscus marinus de Pline et des vieux auteurs ne serait autre que notre mousse. La connaissance des propriétés vermifuges de ce petit fucus aurait été apportée en Corse par une colonie grecque venue s’y établir vers le milieu du XVIIe siècle.
En 1776, un chirurgien de l’île, en botaniste intéressé, chercha à l’exploiter commercialement et vint en France lancer son spécifique ou M. lemithocorton. Il en communiqua un échantillon, avec d’autres produits, dont l’orseille, à un botaniste en renom, de La Tourette, qui le présenta à l’Académie de Lyon. En janvier 1777, la Gazette de Santé signalait le nouveau vermifuge et faisait remarquer que lemithocorton était une déformation de helmintocorton, qui en grec signifie « herbe aux vers », et celui-ci fut adopté par La Tourette, puis par Schwendimann, qui lui consacra sa thèse en 1780.
Enfin, de La Tourette publia une très belle étude dans le Journal de physique de septembre 1782 et établit que la mousse de Corse doit être définitivement rangée dans le genre fucus. Suivent celles de de Candolle, de Fée, etc., et l’analyse chimique de Bouvier faite en 1791 et qui bien entendu ne mentionne pas l’iode, qui n’était pas encore découvert.
Le prospectus du promoteur, le sieur Dimo Stephanopoli — le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques nous apprend que ce naturaliste né en 1729 fut docteur en médecine, médecin de la famille Bonaparte, chirurgien-major au Royal-Corse en 1777, chirurgien-major à l’hôpital militaire d’Ajaccio en 1780, conseiller municipal d’Ajaccio, et que l’empereur Napoléon Ier lui confia une mission scientifico-politique sur les côtes de la Grèce et de l’Albanie en 1797 — fut notamment apposé sur les murs de la ville de Carpentras, le texte étant le suivant :
« Avis par permission de Monseigneur le Gouverneur du Comtat et approbation des Messieurs les médecins
« Le sieur Dino Stefanopoli, chirurgien, employé dans les hôpitaux de l’île de Corse, annonce au public un spécifique contre les vers, auxquels sont sujets particulièrement les enfants. Ce remède, dont l’effet est très bénin, a non seulement la propriété de détruire les vers qui se trouvent dans les intestins, en les expulsant par les selles, mais il a encore l’avantage d’empêcher qu’il ne s’en engendre de nouveaux, pourvu qu’on en prenne deux ou trois doses dans le courant de l’année, même en état de santé.
« Ce spécifique n’est point une composition, ni un secret ; il consiste en une petite plante marine du genre des coralines, appelée en grec Lemithocorton, qui ne croît qu’aux environs d’Ajaccio en Corse, et qui est bien différente de la coraline articulée. Celle-ci est la vraie coraline des Grecs, dont l’efficacité a été tellement reconnue par les médecins et chirurgens qui habitent l’île de Corse, que M. Le Vachez, premier médecin des hôpitaux militaires de cette île, a ordonné qu’on ne se servît que du vrai Lemithocorton.
« On trouvera cette simple, avec un imprimé qui indique la façon de s’en servir, à Carpentras, chez M. Chapuy, à la rue de l’Ange. »
Dimo Stephanopoli décrit sa découverte dans le mémoire annexé à Voyage de Dimo et Nicolo Stephanopoli en Grèce pendant les années V et VI (1797 et 1798), Tome 2 par Antoine Sérieys, paru en 1800 :
« La colonie grecque dont je fais partie, établie en Corse depuis cent vingt ans, venue des côtes de la Laconie, avait conservé l’usage du Lémithochorton ; mais elle ne l’avait point étendu au-delà de ses limites. Depuis quatre-vingt-cinq ans qu’elle habitait cette île, jamais aucun Corse n’avait soupçonné les vertus, ni même l’existence de cette plante, lorsqu’en 1760, exerçant la chirurgie dans ce pays, où les maladies vermineuses et les fièvres putrides sont très communes, je sentis la nécessité d’un vermifuge assuré, assez puissant pour en détruire les causes. Le Lémithochorton de la grande espèce, qui m’était connu comme aux autres Grecs, devint l’objet de mes recherches. J’en séchai et j’en préparai une certaine quantité ; je l’employai en poudre, en infusion, en décoction et en sirop, de toutes les manières. Ses heureux effets surpassèrent mes espérances.
« La simplicité de ce remède qu’on peut employer dans tous les cas, et sans craindre aucun inconvénient, les occasions fréquentes que j’ai eues de l’administrer dans le cours de plusieurs années, m’ont mis en état de connaître, par ses effets, toute l’étendue de ses vertus, et comme vermifuge et comme calmant.