Le vertige de l’inconnu
« Marre du Covid-19 » : de confinements en couvre-feux, le récit d’une France qui en a « ras le bol »
Il y a ceux qui luttent pour garder le moral et ceux qui n’y arrivent plus. Ceux qui se sont installés dans le fatalisme et ceux qui s’impatientent. L’épidémie est apparue en France il y a bientôt un an, et le sentiment d’usure a remplacé le vertige de l’inconnu.
Après la peur et la colère, après la perplexité, les brefs retours à la normale, les espoirs vite douchés, c’est une sorte d’abattement poisseux qui s’est emparé du pays. Comme si cette pandémie de Covid-19 provoquait la même lassitude inquiète que les maladies chroniques, avec leurs hauts et leurs bas, leurs lueurs d’optimisme et leurs rechutes.
De confinements en couvre-feux, l’avenir prend des allures d’horizon sans fin. Au vertige de l’inconnu succèdent un sentiment d’usure, l’impression d’être ballottés à l’aveugle dans une énorme lessiveuse. Il y a ceux qui luttent pour tenter de garder le moral et ceux qui n’y arrivent plus. Ceux qui se sont installés dans le fatalisme et ceux qui s’impatientent. Tous voudraient bien savoir à quelle sauce ils seront mangés au moment où plane la perspective de nouvelles restrictions.
En attendant, « tous serrent les dents », remarque une dentiste parisienne qui a vu éclore une épidémie de douleurs faciales chez ses patients. Eczémas, crises d’acné chez les adolescents, maux de dos, la situation n’est pas sans retentissement sur le physique et la santé des Français.
Le temps de la réflexion
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A Nice, le 24 janvier ERIC GAILLARD / REUTERS
Plus l’éventualité circule, plus un sentiment de désobéissance semble émerger, accompagné par des prises de position de politiques, pour qui la récupération du sentiment anti-confinement a commencé.
Re confinement dès cette semaine ou temporisation ? Lundi 25 janvier, l’exécutif a continué à entretenir le flou sur un nouveau tour de vis, alors qu’un conseil de défense sanitaire est prévu mercredi. Dans la matinée, Jean Castex a soufflé le froid. « Des décisions seront prises cette semaine », a indiqué le premier ministre. Puis, dans la journée, l’Elysée a calmé le jeu, en expliquant que l’on s’orientait plutôt vers un statu quo, tout en décrivant un Emmanuel Macron prêt à prendre les mesures nécessaires en fonction de l’évolution des courbes.
Avant de décider d’un troisième confinement, le président de la République souhaite voir l’effet de deux semaines pleines du couvre-feu avancé à 18 heures, soit en fin de semaine. Le chef de l’Etat veut aussi avoir entre les mains les données sur la pénétration des variants britannique et sud-africain sur le territoire français. Les résultats de la deuxième enquête flash menée par Santé publique France, mercredi, seront également connus en fin de semaine. Dans Libération, mardi, Jean-François Delfraissy penche lui aussi pour un temps de réflexion. « Je pense qu’on n’est pas dans l’extrême urgence. On n’est pas à une semaine près », explique le président du conseil scientifique, qui avait plaidé pour un reconfinement, dimanche. Sans remettre en cause cette idée, M. Delfraissy évoque des pistes complémentaires dans cet entretien, comme une fermeture de trois semaines des écoles durant les vacances de février.
Depuis quelques jours, M. Macron et M. Castex ont pu sentir monter un parfum de défiance. Plus l’éventualité d’un troisième confinement circule, plus des réticences se font jour de la part de responsables politiques, tandis que sur les réseaux sociaux, une tentation de désobéissance émerge depuis ce week-end.
Dans l’opinion, le refus du re confinement s’exprime surtout virtuellement, nourri par une galaxie aux appartenances politiques mouvantes, parfois proche de l’extrême droite. Du vendredi 22 janvier au samedi 23, le hashtag #jenemereconfineraipas est devenu l’un des plus partagés sur Twitter, suivis d’appels à faire du 1er février une journée de désobéissance civile (« Rouvrez tout », « Tous au restaurant »).