Au jardin " installez un «hôtel à insectes"
Les insectes pollinisateurs ne sont pas à la fête. Depuis une quinzaine d'années, leur représentant le plus emblématique, l'abeille domestique (Apis mellifera), est victime d'un mal étrange baptisé «syndrome d'effondrement des colonies». L'affaire est sérieuse: selon l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), la mortalité des ruches atteint 30% sans que les causes du phénomène aient été clairement établies.
La presse et les associations de protection de l'environnement mettent régulièrement en cause certains insecticides. De fait, au printemps 2012, des chercheurs français de l'Inra et de l'Association de coordination technique agricole (Acta) ont mis en évidence l'effet «désorienteur» de l'une de ces molécules sur ces infatigables butineuses, devenues incapables de retrouver le chemin de leur ruche. Mais il n'y a pas que ça. Pour les scientifiques, d'autres facteurs interviennent. Et de citer la recrudescence du parasitisme (varroa, nosémose...), l'arrivée de nouveaux prédateurs tels que le redoutable frelon asiatique, l'appauvrissement de la biodiversité végétale, la monoculture et la modification des paysages agricoles (raréfaction des haies et bosquets).
Tout comme les oiseaux, dont je parlais il y a quinze jours, les abeilles ont des problèmes de «couvert». Et pas seulement pendant l'hiver! À certaines périodes de l'année, du fait de l'efficacité des désherbants utilisés dans les grandes cultures, les malheureuses n'ont plus de fleurs des champs (coquelicots et bleuets) à butiner et meurent littéralement de faim. Dans les régions d'élevage, les prairies permanentes, à la flore si riche et diversifiée, sont de plus en plus fréquemment retournées pour laisser place à du maïs ou à des cultures fourragères monospécifiques, type ray-grass d'Italie. Et que dire de cette manie de faucher sans arrêt les talus des routes sans même attendre que les fleurs aient fané! Pour les abeilles, cela équivaut à fermer le restaurant ou la cantine à l'heure de se mettre à table
865 espèces d'abeilles sauvages en France
L'affaire est encore plus compliquée pour les bourdons et les abeilles sauvages (osmies, mégachiles, anthophores, eucères, anthidies…) dont on recense pas moins de 865 espèces en France, selon le décompte de l'Office national des forêts (ONF). Solitaires, contrairement aux abeilles domestiques, guêpes et frelons qui vivent en sociétés, ces précieux auxiliaires assurent à eux seuls près de 80% des besoins en pollinisation des cultures, y compris dans les jardins. Comme ils nichent le plus souvent dans des cavités creusées sous terre ou dans des arbres morts, ou encore dans des roches fissurées, leurs abris sont régulièrement détruits par les engins agricoles, l'aménagement de routes et chemins, ou encore les chantiers de construction et de travaux publics. En plus des problèmes de couvert, ces braves hyménoptères, bien souvent méconnus du grand public, ont donc beaucoup de mal à trouver (et à conserver) un gîte, ce qui contribue encore à accélérer leur déclin.
Offrez-leur un abri
Pour aider bourdons et abeilles sauvages à se loger en toute sécurité, vous pouvez choisir de faire simple, en installant des briques creuses, des vieilles bûches, des fagots de branche dans une partie si possible bien exposée de votre jardin, afin que vos hôtes puissent commencer à se reproduire dès les premiers chauds rayons du soleil au printemps. Mais vous pouvez également leur construire, ou leur offrir , un «hôtel à insectes» capable d'accueillir tous les types d'abeilles sauvages recensés. En particulier les rubicoles, qui creusent leurs nids dans les tiges creuses de certaines plantes, les charpentières qui s'attaques aux souches d'arbres (ou aux poutres des vieilles maisons) et les tapissières qui squattent les trous existants.
Installez des bandes fleuries
Au printemps, semez dans un coin de votre jardin ou au milieu de votre pelouse, des mélanges d'herbes sauvages «spécial pollinisateurs», disponibles dans le commerce. Vous pouvez également choisir de laisser pousser certaines plantes particulièrement prisées des abeilles: mélilot, trèfle violet, lotier corniculé, mauve, centaurée, grande marguerite, lamier, vulnéraire, sauge etc. Si vous semez un engrais vert, utilisez de la phacélie, plante très mellifère dont les butineuses raffolent.
Traitez avec prudence et parcimonie
Si vous devez lutter contre des insectes ravageurs, en particulier au printemps contre le carpocapse du pommier et du poirier, évitez de traiter pendant la floraison quand abeilles et bourdons sont «à table». Intervenez également le matin de bonne heure ou le soir quand tout ce petit monde est «couché». Contre les pucerons, optez de préférence pour du savon noir ou des insecticides à base de pyrèthre, inoffensifs pour les butineurs de tous poils.