Comment déshabituer ses papilles du sel ?
Une pincée de sel par ci, une pincée par là et nous voilà bien au-dessus des 5 grammes par jour recommandé par l'OMS. Est-il possible de se déshabituer du goût salé ? Réponses avec le chimiste Raphaël Haumont.
Le constat est alarmant. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l’on pourrait éviter chaque année 2,5 millions de décès si la consommation de sel au niveau mondial était rapportée au seuil recommandé, à savoir moins de 5 grammes par jour (soit un peu moins d’une cuillère à café de sel). Mais comment réussir à se passer de cet exhausteur de goût dont nos papilles sont de plus en plus dépendantes ? Explications et conseils du chimiste spécialisé dans la cuisine moléculaire, auteur, enseignant et chercheur à l'université Paris-XI (Orsay), Raphaël Haumont
Le sel, première saveur de l’enfance
Impossible de passer à côté du goût singulier, unique et intensément salé de la traditionnelle chips de pommes de terre. «Lorsque l’on déguste un aliment salé pour la première fois, les cristaux de sel se dissolvent dans la salive et libèrent leurs ions dans les membranes de notre bouche. Celles-ci envoient alors directement une impulsion électrique au cerveau pour lui communiquer l’information. La réaction est immédiate», explique le chimiste. Et puisque le sel fait partie intégrante de nos cultures occidentales, il est l’une des premières saveurs que l’on découvre enfant. Dès lors, à chaque fois que nos papilles considéreront un plat comme étant un peu «fade», nous serons tentés de le relever avec une pincée de sel. Au point de devenir accro ? «Oui, il nous fait saliver. Plus on en consomme, plus on en a envie. D’ailleurs, si l'on regarde autour de nous, beaucoup de gens salent leurs plats avant même d’y avoir goûté», constate-t-il.
"Il faut passer par une épreuve de sevrage"
Les papilles sont des cellules qui se régénèrent en deux à trois semaines
Mais alors comment faire pour se débarrasser de cette mauvaise habitude ? «On rééduque nos papilles», conseille Raphaël Haumont. «Comme lorsque l’on arrête une drogue, il faut donc passer par une épreuve de sevrage.» Jour après jour, on enlève un gramme de sel de son assiette, puis deux, puis trois, jusqu’à ce que l’on redécouvre le produit naturel et qu’on l'apprécie. «Les papilles sont des cellules qui se régénèrent en deux à trois semaines. C’est donc le temps qu’il faut pour les rééduquer», indique-t-il.
Pour ce faire, on change nos habitudes alimentaires. Premièrement, on évite les produits transformés, ils contiennent tous beaucoup trop de sel. Et pour cause, «ils sont généralement vendus au poids et le sel ajoute de la masse», indique Raphaël Haumont. Exit donc les plats préparés, conserves et surgelés déjà cuisinés. On éloigne ensuite la salière de son assiette «pour éviter ce mauvais réflexe de saler à tout va», complète le chercheur. Si besoin, on misera plutôt sur de la fleur de sel. «Le problème avec le sel fin, c’est que l’on ne se rend plus compte de sa présence dans un plat. Les grains de fleurs de sel sont plus gros, on prend donc davantage conscience que l’on mange "salé"», explique-t-il. Last but not least, on assaisonne en fin de cuisson. «Si en matière de quantité la concentration reste la même, en termes de goût cela n’aura rien à voir», complète le chercheur.
Les alternatives au sel
Herbes, épices, algues, graines ou condiments tels le gomasio aident à ne pas manger trop salé. On peut également miser sur des alternatives qui apporteront goût, texture et surprise à nos préparations. Même si, pour Raphaël Haumont, ce n’est pas vraiment une solution. «Cela ne fait que déplacer le problème. Ce qu’il faut, c’est habituer le cerveau à apprécier le produit tel qu'il est, nature et sans assaisonnement. Un bon produit "s’auto suffit"», assure-t-il. Un conseil qui ne manque pas de piquant.
Les Papilles du chimiste de Raphaël Haumont, Éditions Dunod, 176 pages, 16,90 €.
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