“La liberté est un bien précieux, mais il faut avoir un petit capital d’exploitation pour la cultiver.”
Non ! Non ! Et Non
La liberté est la donnée la plus caractéristique de l’être humain. C’est son fondement initial et le but de toute son existence. Cette affirmation apparaît péremptoire, et pourtant, si on examine les traces de la vie humaine telle une enquête judiciaire, c’est bien ce qui se dégage des faits. Depuis la naissance et le premier cri, il s’agit bien d’une révolte face à notre intimité qui est dévoilée à la face du monde, nous ne pouvons plus flotter en apesanteur et nous gorger à volonté du liquide amniotique sans nous soucier du jour et de la nuit, des périodes d’éveil et de sommeil, rester dans la quiétude qui était nôtre dans cette douce pénombre loin des bruits et de l’agitation extérieure.
Tout ce chambardement n’augure rien de véritablement rassurant et il faudra durant toute notre enfance toute la sollicitude parentale pour nous faire croire à l’amour, au Père Noël, éventuellement à Dieu et à nombre de balivernes. Mais au plus profond de moi-même je sais toujours que ma quête personnelle sera autre. Celle-ci sera de m’arracher à la vie que l’on désire pour moi, à un avenir qui est souhaité et qui ne me correspond pas. Chaque individu possède au fond de lui cette spécificité particulière d’être un autre que le miroir de la société lui renvoie. Car l’Homme possède cette originalité, c’est de vouloir rester différent du reste de son espèce, de laisser sa trace de différence par ses actes, sa pensée, ses paroles et en particulier par son opposition marquée par le : non. Ce non est bien l’expression de mon nom, il me permet de m’affirmer comme étant vivant et unique, car par rapport à tous les codes imposés, je suis capable de m’opposer. Cette liberté est également un appel instinctuel qui me rapproche de mes congénères et autres mammifères, me renvoie à la vie primitive du monde d'avant Et cette volonté, ce refus des règles édictées me sera toujours utile pour conserver cette liberté durant ma période de vie terrestre. Car la société est ainsi faite qu’elle mesure les choses : en mètres, en poids, en quotient intellectuel, et surtout le pire de tout en temps. Or, nous savons très bien que le temps nous est compté et nos semblables et pourtant dissemblables nous renvoient perpétuellement, c’est un euphémisme, la notion de temps passé : en heures de travail, de sommeil, de durée de rapport sexuel, d’heures de repas, de repos. Tout est ainsi normatif alors que mon aspiration est ailleurs : elle est dans le rêve, la somnolence, l’accession à un ailleurs inconnu, un clivage avec l’habitude qui détruit le possible, anéantit les espoirs d’une vie meilleure et sans contrainte. Et c’est ainsi que , progressivement, avec justement ce temps qui passe et la sagesse des apprentissages, que l’on comprend que cette volonté est vaine, que ce rêve n’est justement que le fuit de notre inconscient qui toujours se démarque de la réalité et de notre conscience, de notre connaissance du monde et des êtres qui nous entourent. Alors la liberté peut flotter librement dans nos nuits, prendre toute la place qu’elle désire et réinventer tous les possibles, sans interdit ni censure, nous permettre de devenir l’être rêvé et idéalisé, accéder à la première enfance et à l’infini. Cette démesure, c’est bien cela, l’anéantissement des mesures et des lois physiques, n’est possible que dans notre inconscient et dans tous nos fantasmes. Tout le reste n’est que conscience et réalité, et le plus difficile est de l’accepter, c’est à dire d’accepter la finitude de cette liberté humaine, pour accepter la liberté qui nous sera définitivement offerte lors de notre disparition véritable, dans le sens de la vérité ultime, celle qui n’appartient qu’à moi.